C’est l’une des mesures phares pour le budget 2026. Dans le cadre du PLFSS de l’année à venir, les avantages fiscaux pour les salariés atteints d’affection longue durée pourraient bien prendre fin. Zoom sur ce projet de réforme.
Qu’est-ce qu’une ALD (Affection Longue Durée) ?
L’affection longue durée, aussi appelée ALD, désigne “une maladie dont la gravité et/ou le caractère chronique nécessite un traitement prolongé.”
Ce dispositif permet aujourd’hui à des millions de Français de bénéficier d’une prise en charge à 100 % par l’assurance maladie pour les soins liés à leur pathologie.
Concrètement, une ALD est reconnue lorsque la maladie entraîne :
- des traitements longs et coûteux, souvent à vie,
- ou des soins particulièrement lourds, nécessitant un suivi médical régulier.
Il existe plusieurs types d’ALD :
- Les ALD de la “liste 30” : ce sont les maladies les plus fréquentes, comme le diabète, le cancer, la sclérose en plaques ou l’insuffisance cardiaque grave.
- Les ALD “hors liste” : elles concernent des maladies graves non mentionnées dans la liste officielle mais nécessitant un traitement prolongé.
- Les polypathologies : quand une personne souffre de plusieurs affections chroniques entraînant un état invalidant.
La reconnaissance en ALD ouvre droit à plusieurs avantages :
- Prise en charge à 100 % des soins en lien direct avec la maladie,
- Exonération du ticket modérateur,
- Arrêts maladie prolongés sans perte totale de revenus grâce aux indemnités journalières et aux compléments de salaire,
- Un suivi médical renforcé pour mieux adapter les traitements.
Avantages ALD : ce qui pourrait changer
Le Projet de loi de financement de la sécurité sociale 2026 pourrait bien mettre fin – ou tout du moins réduire drastiquement – les avantages liés à l’ALD.
L’objectif affiché par le gouvernement : réduire le déficit de la Sécurité Sociale, qui est estimé à hauteur de 16 milliards en 2026. Pour ce faire, un plan d’économies massif de 5 milliards sur les dépenses de santé est prévue.
Et en première ligne de cette stratégie : le dispositif ALD dont disposent aujourd’hui 14 millions de français, et qui représente près de deux tiers des remboursements de l’Assurance Maladie.
Parmi les mesures envisagées par l’exécutif, on retrouve :
- La fin ou la réduction de l’exonération à 100 % : Jusqu’à présent, les assurés atteints d’une ALD bénéficient d’une prise en charge intégrale des soins liés à leur pathologie (consultations, traitements, hospitalisations). Le gouvernement envisage désormais de limiter cette exonération, notamment pour certains actes ou médicaments considérés comme “de confort” ou moins essentiels.
- Une réévaluation périodique des droits : Aujourd’hui, la reconnaissance d’une ALD est généralement accordée pour plusieurs années, voire à durée indéterminée pour certaines pathologies chroniques (comme le diabète ou l’hypertension sévère). La réforme pourrait introduire une réévaluation systématique et périodique des dossiers, afin de vérifier si la maladie justifie toujours une prise en charge à 100 %.
- De nouveaux critères d’éligibilité : L’exécutif pourrait revoir la “liste 30” des pathologies pour en exclure certaines maladies jugées mieux maîtrisées ou dont les traitements sont devenus plus abordables. Des critères plus stricts pourraient également être appliqués aux ALD hors liste, avec des contrôles médicaux renforcés et des procédures plus lourdes pour obtenir l’exonération.
Quelles conséquences pour les salariés en ALD ?
Si ces mesures restent encore à confirmer, et pourraient ne pas voir le jour, elles posent néanmoins la question de l’impact sur les salariés, et ce à plusieurs niveaux.
Impact sur la rémunération
Les salariés en ALD peuvent être amenés à s’absenter sur de longues périodes pour leurs traitements ou leurs suivis médicaux.
Aujourd’hui, ils bénéficient d’indemnités journalières versées par la Sécurité sociale, souvent complétées par l’employeur ou un contrat de prévoyance.
Si la prise en charge à 100 % venait à être réduite, le reste à charge médical pourrait peser directement sur leur pouvoir d’achat, et la durée d’indemnisation pourrait être revue à la baisse.
Résultat : un risque de baisse de revenus pour les salariés les plus fragiles ou les plus touchés par des arrêts prolongés.
Impact sur la protection sociale
La fin de certaines exonérations ALD pourrait se traduire par une hausse du reste à charge, que les mutuelles d’entreprise devront, en partie, absorber.
Les contrats de complémentaire santé et de prévoyance deviendraient alors des leviers essentiels pour maintenir un bon niveau de couverture.
Mais tous les salariés ne disposent pas des mêmes garanties, et les inégalités pourraient s’accentuer selon les accords collectifs ou le statut de l’entreprise.
L’enjeu pour les employeurs sera donc de vérifier la solidité des régimes santé-prévoyance proposés à leurs collaborateurs.
Impact sur la sécurité de l’emploi
Les arrêts maladie de longue durée liés à une ALD posent déjà des défis RH majeurs : maintien du poste, remplacements temporaires, reprise progressive…
Avec une réévaluation plus fréquente des droits et des conditions d’indemnisation, certains salariés pourraient se retrouver en situation d’incertitude professionnelle, voire en risque d’inaptitude ou d’invalidité plus rapide.
L’impact sur les entreprises et la gestion RH
Si la réforme des affections longue durée (ALD) vise avant tout les dépenses publiques, elle aura aussi des conséquences directes pour les employeurs.
Une gestion RH des absences longues plus complexe
Les salariés atteints d’une ALD connaissent souvent des arrêts maladie répétés ou prolongés. Si la réforme modifie les conditions de prise en charge, certaines absences pourraient s’allonger ou se multiplier, notamment si les soins deviennent plus difficiles à financer.
Les services RH devront alors ajuster leur planification : gestion des remplacements, réorganisation des équipes, maintien du lien avec le collaborateur absent… autant de sujets qui exigent souplesse et anticipation.
Des obligations légales toujours aussi fortes
Le cadre juridique reste inchangé : l’employeur doit respecter les obligations liées à la maladie longue durée (maintien du poste, reclassement, non-discrimination).
Mais la réforme pourrait complexifier la situation : une réévaluation plus fréquente du statut ALD impliquerait davantage de démarches administratives, d’échanges avec la médecine du travail et de coordination avec les organismes sociaux.
Les RH devront alors redoubler de vigilance pour assurer la conformité légale et éviter tout risque de contentieux.
Un besoin accru d’accompagnement et de communication interne
Derrière les chiffres, il y a des situations humaines. Face à des salariés fragilisés par la maladie et l’incertitude sur leurs droits, les entreprises auront un rôle clé d’écoute et de soutien.
Mettre en place des entretiens de reprise, favoriser le télétravail adapté, ou encore sensibiliser les managers à la gestion de la maladie au travail seront autant de leviers pour maintenir la cohésion et la confiance au sein des équipes.
Un enjeu de protection sociale et de marque employeur
Enfin, cette réforme pourrait encourager les entreprises à revaloriser leurs dispositifs de santé et de prévoyance.
Renforcer la mutuelle, adapter le contrat de prévoyance ou prévoir des garanties spécifiques pour les pathologies longues devient un atout stratégique pour protéger ses collaborateurs… et valoriser sa marque employeur.
Dans un contexte de pénurie de talents, afficher une politique RH inclusive et protectrice deviendra donc un facteur de fidélisation fort.