12h de plus par an : le Sénat vote l’allongement du temps de travail

Partagez cet article

La fin des 35h si chères aux français aurait-elle sonné ? C’est la question qui se pose en réaction au nouvel amendement voté par le Sénat le 22 novembre, qui prévoit d’allonger la durée légale du temps de travail de 15 minutes par semaine, soit 12h de plus par an. Décryptage.

Pourquoi cette mesure ?

En plein examen du projet de loi de financement de la Sécurité Sociale (PLFSS), l’amendement a été porté par le sénateur centriste Olivier Henno et adopté par une majorité de droite et du centre : 199 voix pour, 135 contre.

L’idée mise en avant par ses défenseurs est simple : “Plus le pays travaille, plus il s’enrichit” (Olivier Henno).

Selon les projections avancées au Sénat, ces 12 heures supplémentaires par an permettraient de dégager plus de 10 milliards d’euros de recettes supplémentaires pour la Sécurité sociale.

Ce que ça change concrètement

Sur le papier, la modification semble minime. Mais, en pratique, elle n’est pas neutre.

Sur le plan juridique, la durée légale hebdomadaire resterait de 35 heures. Ce n’est donc pas une “suppression” des 35h, mais un ajustement de la durée annuelle de référence, qui passerait de 1 607 à 1 619 heures.

Pour un salarié à temps plein, cela représente :

  • environ 15 minutes de travail en plus par semaine ;
  • 1 heure de plus par mois ;
  • au total, 12 heures de travail supplémentaires par an, soit un peu moins de deux jours de travail.

L’impact réel dépendrait ensuite de la manière dont les entreprises et les branches appliquent cette nouvelle référence :

  • légère extension de la journée de travail (quelques minutes de plus par jour) ;
  • ajustement de certains plannings (par exemple sur des périodes de forte activité) ;
  • possible réduction d’un faible volume de RTT dans les modèles déjà annualisés.

Ce que doivent anticiper les RH (si la mesure survit)

Pour les équipes RH, plusieurs chantiers potentiels se dessinent, si la mesure venait à être confirmée :

  • analyser les accords existants (temps de travail, RTT, forfaits jours) pour vérifier comment intégrer ces 12 heures ;
  • recalculer les plannings types et les compteurs d’heures, en particulier dans les organisations déjà complexes ;
  • préparer une communication pédagogique pour expliquer ce que représente réellement “12h de plus par an” et les éventuelles contreparties.

La question clé, évidemment, restera celle de la rémunération : s’agit-il d’heures payées en plus, intégrées au fixe, compensées autrement ? C’est là que le dialogue social sera décisif.

Des réactions contrastées

Sans surprise, cette mesure divise profondément.

Du côté des partisans, on met en avant :

  • une hausse très progressive du temps de travail, jugée “raisonnable” ;
  • un moyen de soutenir la protection sociale sans créer de nouveaux impôts ;
  • une façon de rouvrir le débat sur l’adaptation des 35h au contexte économique actuel.

Du côté des opposants, les critiques sont nettes :

  • un “coup de canif” dans les 35h ;
  • la crainte de travailler plus pour le même salaire, notamment pour les salariés les plus modestes ;
  • un signal politique perçu comme défavorable aux droits des travailleurs, après la séquence déjà tendue sur les retraites.

Enfin, une question reste ouverte : cette mesure ira-t-elle au bout du parcours parlementaire ? Le vote du Sénat n’est qu’une étape. L’Assemblée nationale pourra supprimer ou modifier l’amendement, et le gouvernement ne l’a pas défendu avec enthousiasme.

Pour l’instant, rien ne change donc concrètement dans les contrats de travail. Mais une chose est sûre : le temps de travail revient clairement au centre du débat public. Et pour les directions, les DRH et les partenaires sociaux, mieux vaut commencer à s’y préparer, chiffres, scénarios et pédagogie à l’appui.

A propos de l’auteur/autrice

Ces articles pourraient également vous intéresser