C’est l’annonce faite par le Ministre du Travail Jean-Pierre Farandou le mercredi 17 décembre dernier lors d’un débat sur le narcotrafic à l’Assemblée nationale. Une proposition qui vise dans le même temps à renforcer les mesures de prévention et la prise en charge des salariés consommateurs de stupéfiants.
Le gouvernement veut interdire la consommation de drogues en entreprise
Le Ministre du Travail entend bien bannir la consommation de drogues dans le cadre du travail. C’est en tout cas le sens de la proposition faite par Jean-Pierre Farandou, qui prévoit d’« inscrire dans le Code du travail une interdiction générale et absolue de travailler sous l’emprise de substances psychotropes« .
Derrière cette annonce, le message est clair et assumé : durcir le cadre en posant un principe explicite, tout en donnant davantage de moyens aux entreprises pour prévenir les risques, repérer plus tôt les situations sensibles et orienter vers des solutions d’accompagnement.
Le ministre insiste d’ailleurs sur le volet prévention : le cinquième Plan santé au travail, attendu au premier semestre 2026, doit renforcer l’appui aux employeurs, mobiliser davantage les services de prévention et de santé au travail pour sensibiliser les salariés, et améliorer la prise en charge des salariés consommateurs de stupéfiants.
Drogues en entreprise : ce que prévoit déjà la loi
Avant même l’annonce du ministre, le droit du travail donne déjà un cadre d’action aux employeurs, au nom de leur obligation de protéger la santé et la sécurité des salariés.
Concrètement, l’entreprise peut interdire l’introduction, la détention, la distribution ou la consommation de stupéfiants, et rappeler qu’il est interdit de travailler (ou même de se présenter) sous emprise – à condition que les règles internes soient justifiées et proportionnées à l’objectif de sécurité.
Surtout, la loi permet déjà de prévoir des contrôles, mais sous conditions strictes. Dans les entreprises où il est obligatoire (à partir de 50 salariés), c’est le règlement intérieur qui doit fixer ces règles ; sinon, une note de service peut aussi encadrer ces restrictions, avec des formalités proches lorsqu’elle crée des obligations générales et permanentes.
Pour les stupéfiants, le test salivaire n’est pas un “réflexe” automatique : la jurisprudence l’admet uniquement si le dispositif est écrit (dans le règlement intérieur), réservé à des postes à risque élevé, non systématique, et s’il garantit des droits au salarié. Parmi ces garanties : la possibilité d’une contre-expertise médicale à la charge de l’employeur et la confidentialité des résultats (secret professionnel).
Consommation de substances au travail : un fléau
Le phénomène n’a rien d’anecdotique – et les chiffres le confirment. Selon une étude menée en entreprise par iThylo en 2025, la positivité aux substances psychoactives (alcool + stupéfiants) a plus que doublé en huit ans : 2,6 % en 2017 contre 5,3 % en 2025, soit +107 %.
Dans le détail, certaines tendances marquent une véritable mutation des usages. La cocaïne est l’indicateur le plus spectaculaire, avec 13 fois plus de cas positifs en 2025 qu’en 2017. Le cannabis, lui, demeure la substance la plus fréquemment détectée (1,8 % des tests positifs), avec une présence plus régulière dans le temps.
Autre enseignement majeur : l’étude pointe une rupture nette à partir de 2022. Là où les taux restaient globalement stables entre 2017 et 2021, la période 2022–2024 s’accompagne d’une hausse marquée, avec +43 % de cas positifs à l’alcool et +52 % aux stupéfiants (toutes substances confondues).
De quoi nourrir l’hypothèse d’un basculement durable post-Covid : accumulation de stress, isolement, perte de repères collectifs… et, en arrière-plan, l’installation d’un épuisement psychique plus profond, qui finit par se traduire jusque sur les lieux de travail.
Le rôle clé des RH : cadrer, prévenir et accompagner
Pour les RH, cette hausse change la donne : on ne parle plus seulement de discipline, mais de prévention des risques et de santé au travail. Leur rôle est d’abord de poser un cadre clair (règlement intérieur, règles de sécurité, procédure d’alerte), puis d’outiller les managers pour repérer les signaux faibles sans stigmatiser, et activer les bons relais (médecine du travail, services de prévention, dispositif d’écoute, accompagnement).
L’enjeu est double : protéger immédiatement le collectif quand la sécurité est en jeu, tout en créant les conditions d’une prise en charge – parce qu’une situation d’emprise dit souvent quelque chose d’une fragilité (stress, fatigue, isolement) que l’entreprise a tout intérêt à traiter avant qu’elle ne devienne un accident, un conflit… ou un drame.