Plus de la moitié des leaders redoutent une future pénurie de collaborateurs dans les prochaines années. Et pour cause : à peine un tiers d’entre eux estiment que les compétences présentes aujourd’hui dans leur entreprise seront encore pertinentes demain.
Entre technologies qui bousculent les métiers, IA générative qui rebat les cartes et quête d’agilité permanente, les entreprises font face à un défi de taille : transformer leurs modèles pour bâtir une organisation fondée sur les compétences.
Selon la dernière étude Workday/ Parlons RH, 55 % des organisations ont déjà amorcé cette mutation : une transition indispensable pour stimuler la productivité, l’innovation et la mobilité interne.
Mais comment combler, concrètement, cet écart entre les compétences d’aujourd’hui et celles de demain ? Décryptage.
La crise des compétences au coeur des préoccupations
L’inquiétude monte
Dans une ère marquée par l’évolution fulgurante de l’intelligence artificielle et la guerre des talents, une question inquiète les entreprises : les compétences des collaborateurs seront-elles suffisantes pour aborder l’avenir sereinement ?
C’est ce à quoi l’étude réalisée par Workday (en collaboration avec Parlons RH) tente de répondre. Et le constat est plutôt clair :
- 51% des dirigeants d’entreprise sont assez ou très préoccupés par une éventuelle pénurie de compétences au cours des trois prochaines années ;
- Seuls 32% des dirigeants sont convaincus que les compétences dont dispose aujourd’hui leur entreprise sont celles dont ils auront besoin pour réussir à l’avenir ;
Les secteurs les plus impactés
La crise des compétences n’affecte pas tous les secteurs de la même manière. Certains vivent déjà, au quotidien, la tension entre obsolescence des savoir-faire et accélération technologique.
Technologie, médias et retail : en première ligne de la transformation
Ce sont les secteurs les plus exposés, et pour cause : ils évoluent à la vitesse des innovations qu’ils intègrent. Dans la tech et les médias, l’essor de l’IA générative, de l’automatisation et des outils no-code bouleverse en profondeur les métiers. Les compétences techniques deviennent rapidement obsolètes : un développeur, un data analyst ou un créateur de contenu doit réapprendre sans cesse pour rester pertinent.
Le retail, quant à lui, fait face à une double mutation : digitalisation des points de vente et montée en puissance du e-commerce. Les enseignes cherchent des profils hybrides capables d’allier compétences data, expérience client et agilité opérationnelle.
Santé, enseignement et secteur public : la résilience par l’humain
À l’inverse, les secteurs à forte composante humaine (santé, éducation, fonction publique) se montrent plus confiants, car leurs métiers reposent avant tout sur des interactions, de l’écoute et de l’expertise relationnelle.
Mais ce sentiment de sécurité reste relatif. L’IA générative commence à s’immiscer dans la téléconsultation, la formation ou la gestion administrative, obligeant ces domaines à repenser la complémentarité entre compétences techniques et compétences émotionnelles.
À la racine du problème
Si les entreprises peinent à anticiper la pénurie de compétences, c’est avant tout parce qu’elles avancent sans carte, ni boussole.
Seulement 54 % des dirigeants déclarent avoir une vision claire des compétences présentes dans leur organisation. Autrement dit : près d’une entreprise sur deux ne sait pas précisément de quoi elle dispose, ni ce qu’il lui manque pour affronter les transformations à venir.
Ce manque de visibilité, couplé à un environnement en perpétuel mouvement – IA générative, automatisation, nouvelles formes de travail -, crée un véritable flou stratégique.
(Re)penser l’entreprise à l’ère des compétences
La transformation du travail ne se limite plus à la digitalisation ou à l’automatisation : elle repose désormais sur une réorganisation complète des entreprises autour des compétences.
Ce modèle, connu sous le nom de “Skills-Based Organization” (SBO) – en français : entreprise axée sur les compétences -, marque un tournant majeur dans la manière de concevoir les ressources humaines, la stratégie et la performance.
Une transition déjà bien engagée
Selon la dernière étude Workday / Parlons RH, 55 % des entreprises ont déjà amorcé leur transition vers une organisation fondée sur les compétences, et 23 % supplémentaires prévoient de le faire dans les douze prochains mois.
Ce chiffre traduit une prise de conscience généralisée : la pérennité et la compétitivité ne dépendent plus uniquement de la structure hiérarchique ou des postes, mais de la capacité à identifier, développer et mobiliser les bonnes compétences au bon moment.
Les dirigeants ne s’y trompent pas.
81 % considèrent qu’une approche fondée sur les compétences accroît le potentiel de croissance économique, tandis que les bénéfices attendus sont multiples :
- 47 % anticipent une amélioration de la productivité et de la croissance,
- 46 % s’attendent à davantage d’innovation et de créativité,
- 45 % à une agilité organisationnelle renforcée et une meilleure mobilité interne.
La “skills-based organization” n’est donc pas qu’une théorie RH : c’est un levier stratégique de performance et d’adaptabilité dans un contexte de changement permanent.
Pourquoi basculer maintenant ?
La transition vers l’entreprise axée sur les compétences répond à plusieurs enjeux critiques.
D’abord, la productivité : dans un environnement économique sous tension, les entreprises doivent tirer le meilleur parti de leurs talents existants.
Ensuite, l’innovation, devenue le principal moteur de différenciation. Enfin, l’agilité, essentielle pour repositionner rapidement les collaborateurs face à l’évolution des métiers, des technologies et des besoins clients.
Mais au-delà des bénéfices économiques, la SBO porte une dimension sociale importante.
Selon l’étude, 82 % des dirigeants estiment qu’elle favorise l’égalité d’accès aux opportunités, 72 % qu’elle renforce la diversité et l’inclusion, et 61 % qu’elle contribue à réduire le chômage.
En plaçant les compétences au centre, l’entreprise devient non seulement plus efficace, mais aussi plus équitable.
Les compétences clés pour anticiper le futur
Les cinq prochaines années verront émerger trois grandes familles de compétences stratégiques :
- Compétences digitales (65 %) : maîtrise de l’IA générative, des outils numériques et de la donnée.
- Compétences opérationnelles (59 %) : gestion de projet, planification, coordination des équipes.
- Compétences spécialisées (47 %) : expertise technique dans des domaines clés comme l’ingénierie, la santé ou la finance.
Toutefois, les plus grands manques actuels ne concernent pas la technique, mais l’humain.
Les organisations identifient un déficit croissant en compétences sociales (35 %) – communication, collaboration, écoute – et en soft skills individuelles (32 %) telles que l’adaptabilité, la créativité et l’esprit critique.
Ces dimensions deviennent déterminantes dans un monde du travail où les métiers évoluent plus vite que les diplômes. Une entreprise axée sur les compétences performante repose ainsi sur un équilibre entre expertise technologique et intelligence émotionnelle, entre compétences dures et compétences comportementales.
Une évolution culturelle avant tout
Adopter un modèle “skills-based”, c’est repenser en profondeur la façon de recruter, de former et de faire évoluer les collaborateurs.
C’est passer d’une logique de postes à une logique de potentiel, d’une structure figée à un écosystème vivant où les talents circulent selon les besoins de l’entreprise.
Les entreprises qui réussiront cette transition seront celles capables de mesurer et valoriser en continu le capital compétences de leurs équipes – un atout décisif pour affronter les mutations économiques et technologiques à venir.
L’IA comme catalyseur
Si la transformation “skills-based” marque un tournant majeur dans la stratégie RH, l’intelligence artificielle en est aujourd’hui le véritable catalyseur.
D’après l’étude Workday / Parlons RH, 41 % des dirigeants estiment que l’IA contribuera à réduire la pénurie de compétences.
Et ils en perçoivent déjà les effets :
- 52 % évoquent un gain de productivité,
- 52 % une meilleure prise de décision,
- et 47 % une capacité accrue à proposer des formations personnalisées.
En s’appuyant sur la data, l’IA aide les entreprises à cartographier les compétences réelles, anticiper les besoins futurs et réorienter les talents vers les bons projets au bon moment.
Mais son impact va bien au-delà de la performance opérationnelle. L’IA redéfinit la manière d’apprendre, de collaborer et d’évoluer. Elle automatise les tâches à faible valeur ajoutée pour libérer du temps consacré à la créativité et à l’innovation.
L’enjeu, désormais, n’est donc plus d’adopter l’IA dans les RH pour cocher la case innovation, mais de l’intégrer comme une alliée stratégique au service du potentiel humain.