“49 % des salariés jugent opaques les critères d’augmentation”. Autrement dit : un salarié sur deux ne comprend pas pourquoi il est (ou n’est pas) augmenté.
Tel est le constat dressé par l’enquête Apec/ Terra Nova réalisée auprès de 4 000 salariés dans le secteur privé.
L’objectif : comprendre quelles sont les attentes des salariés Français en matière de rémunération – et ce que peuvent faire les RH pour y répondre de manière plus transparente et plus stratégique.
Ce que révèlent les données : attentes, perceptions, frustrations
Près d’un salarié sur deux juge les critères d’augmentation opaques. Ce constat, posé par l’enquête Apec x Terra Nova, traduit une véritable crise de confiance autour de la rémunération.
Car, quand les règles du jeu ne sont pas claires, le sentiment d’iniquité s’installe, et c’est toute la justice salariale qui vacille.
Transparence et équité en question
49 % des salariés trouvent les critères flous, 41 % estiment que la rémunération à l’embauche est injuste, et 48 % jugent les augmentations inéquitables. Derrière ces chiffres, une même attente : comprendre pourquoi et comment leur rémunération évolue.
Des écarts selon les profils
Les perceptions varient selon les catégories socio-professionnelles, l’âge ou le genre. Les jeunes générations, notamment, réclament davantage de lisibilité et d’équité salariale : deux leviers clés pour renforcer leur engagement.
Un sentiment de déséquilibre
Un tiers des salariés (34 %) se considèrent comme “perdants” dans la relation d’échange avec leur employeur. En clair : ils ont le sentiment de donner plus qu’ils ne reçoivent (en énergie, en compétences, en implication).
Toutes ces données dessinent un message clair : la transparence salariale n’est plus un luxe, mais une attente fondamentale, à la croisée de la confiance, de l’engagement et de la performance collective.
Les critères les plus attendus par les salariés
Si les salariés demandent plus de transparence salariale, ce n’est pas uniquement pour “savoir combien gagnent les autres”. C’est surtout pour comprendre ce qui compte vraiment dans la reconnaissance de leur travail.
L’enquête montre que les salariés plébiscitent avant tout des critères de rémunération perçus comme concrets et justes :
- Les compétences et l’expérience mobilisées ;
- Les efforts fournis et la charge de travail réelle ;
- Les conditions d’exercice (horaires, pénibilité, contexte terrain) ;
- Et enfin, le parcours professionnel et la capacité d’évolution dans le poste.
En clair, les collaborateurs ne veulent pas forcément “plus” : ils veulent mieux. Mieux comprendre comment leur engagement, leurs contraintes ou leur progression se traduisent dans leur rémunération.
Les obstacles à la transparence et à l’équité
La transparence salariale séduit sur le papier, mais se heurte à de nombreux freins dans la réalité. Entre résistance managériale, crainte de rigidité et culture d’entreprise encore marquée par le secret, le chemin vers l’équité salariale reste semé d’embûches.
Une culture d’entreprise peu favorable à la transparence salariale
Dans beaucoup d’organisations, parler d’argent reste tabou. Les grilles sont floues, les critères implicites, et la rémunération demeure un sujet réservé “aux initiés”. Résultat : une opacité qui alimente la méfiance et fragilise le sentiment de justice salariale.
La résistance managériale : un obstacle humain avant tout
Certains managers redoutent la transparence : peur de ne plus avoir de marge de manœuvre, crainte des comparaisons entre pairs, ou simple manque de formation pour justifier des décisions. Or, sans pédagogie managériale, impossible de faire vivre une politique salariale perçue comme équitable.
Le dilemme : standardiser ou personnaliser ?
Les RH marchent souvent sur un fil : trop de règles, et la rémunération devient rigide ; trop d’exceptions, et c’est l’équité qui s’effrite. Trouver le bon équilibre entre cohérence collective et prise en compte des spécificités métier est un défi permanent.
2026 : un nouveau cap pour la transparence salariale
La directive européenne sur la transparence salariale, prévue pour 2026, s’inscrit dans un moment charnière. Elle ne vient pas simplement imposer de nouvelles obligations : elle consacre un changement de paradigme déjà à l’œuvre dans le monde du travail.
Depuis plusieurs années, les salariés expriment une même attente : comprendre comment se construit leur rémunération, sur quels critères, et selon quelle logique. La directive vient acter cette exigence de clarté et pousser les entreprises à se mettre en mouvement pour appliquer la transparence.
En ce sens, elle représente bien plus qu’une contrainte légale : c’est un signal fort envoyé aux employeurs. Celui que la transparence n’est plus un sujet de communication interne, mais un levier stratégique de confiance, d’attractivité et de fidélisation.
Les organisations qui anticiperont ce virage ne se contenteront pas de se conformer à la loi : elles reprendront la main sur la narration de leur modèle de reconnaissance, sur la façon dont elles valorisent le travail et sur le sens qu’elles donnent à leurs politiques salariales.
En d’autres termes, la directive européenne agit comme un accélérateur culturel : elle pousse les entreprises à aligner leurs pratiques sur les valeurs qu’elles affichent.
Et dans un contexte où la confiance est devenue la première monnaie du lien social au travail, c’est sans doute le meilleur investissement qu’elles puissent faire.