Si l’intelligence artificielle (IA) est déjà présente dans notre quotidien, les entreprises l’intègrent peu à peu dans leurs processus organisationnels. De plus, l’IA générative commence à se démocratiser avec des outils comme ChatGPT.
En ce qui concerne les RH, ces algorithmes constituent des outils avec un potentiel inouï, que chaque responsable des ressources humaines peut utiliser pour optimiser les processus RH, afin d’améliorer l’efficacité, la performance et les conditions de travail des collaborateurs. Si les possibilités offertes par l’IA sont multiples, elle comporte aussi des limites.
C’est pourquoi, il est essentiel de comprendre son fonctionnement et d’encadrer ses usages. Quels impacts l’intelligence artificielle peut-elle avoir sur les RH ? Est-elle amenée, à terme, à se substituer à l’humain ? Réponses.
Définition
L’intelligence artificielle est un ensemble de systèmes informatiques capables d’effectuer des tâches normalement réalisées par l’humain. Alimentée par la data, l’IA va apprendre au fur et à mesure qu’on lui donne des informations (machine learning, deep learning), ce qui lui permet de s’adapter à de nouvelles situations.
L’un des outils de l’IA est le fameux ChatGPT de Open AI, une sorte d’intelligence générative. Pour répondre aux questions qui lui sont posées, l’IA génère du contenu, notamment sous la forme de textes structurés, à partir d’informations dont elle se nourrit en permanence. Pour obtenir des résultats probants, il est nécessaire de lui fixer des objectifs précis et de l’entraîner.
Quels usages de l’IA aujourd’hui ?
À l’heure actuelle, tout le monde utilise l’intelligence artificielle, parfois sans le savoir. Les algorithmes de l’intelligence artificielle sont partout : le GPS qui propose le meilleur itinéraire en voiture, la traduction automatique, la création automatique de playlists en fonction de nos goûts musicaux, les enceintes à commande vocale etc.
Dans le domaine des ressources humaines, l’intelligence artificielle est également déjà utilisée, mais elle reste encore sous-exploitée. Pourtant, elle est susceptible de révolutionner les pratiques quels que soient les métiers des ressources humaines : du recruteur au directeur des ressources humaines (H/F), en passant par le cabinet de conseil en recrutement généraliste ou cabinet de recrutement spécialisé, jusqu’au chasseur de têtes.
Qu’il s’agisse de recrutement, de formation, ou encore de développement de compétences, l’IA peut aider à optimiser les processus RH, améliorer les résultats et faire gagner du temps. Les chatbots, par exemple, offrent une assistance aux utilisateurs et répondent aux questions les plus fréquentes, améliorant par la même occasion l’expérience candidat, mais également, en interne, l’expérience collaborateur.
L’IA « générative » dans le recrutement
Pour recruter la perle rare, l’intelligence artificielle est utile aux grands groupes et entreprises qui gèrent des recrutements volumiques. Elle permet notamment d’automatiser la convocation à un entretien d’embauche, ou encore l’envoi de mails personnalisés, en réponse à un dépôt de CV ou à une candidature spontanée.
Un outil précieux pour le sourcing
La recherche de candidats sur les multiples plateformes emploi est particulièrement chronophage et fastidieuse pour un chargé de recrutement. Cependant, grâce à une analyse sémantique, l’IA aide le service RH à sélectionner les profils qui matchent, pour un recrutement en France ou un recrutement international. Le large spectre couvert par l’IA et l’automatisation facilitent le sourcing effectué par les recruteurs et la constitution d’un vivier non-discriminant, avec les meilleurs profils.
De plus, sur un marché de l’emploi en tension, les algorithmes identifient plus rapidement des profils pénuriques, comme mécanicien, technicien de maintenance ou encore conducteur de travaux. Ils apportent également un appui technique aux recrutements menés par les cabinets de recrutement spécialisés ou à des secteurs d’activité confrontés à un déficit d’attractivité : BTP, hôtellerie-restauration, agroalimentaire, grande distribution, transport et logistique etc.
La rédaction de fiches de postes et d’offres d’emploi
L’IA générative permet également la rédaction de fiches de postes et d’offres d’emploi en se basant sur les compétences et les qualifications requises pour chaque poste à pourvoir (niveau d’études, première expérience ou collaborateur opérationnel etc.) De plus, elle peut personnaliser chaque offre d’emploi pour faire en sorte de mettre en avant les valeurs et la culture de l’entreprise, les spécificités du secteur d’activité. Cela contribue ainsi à valoriser la marque employeur, ou encore la RSE, et incite les candidats en recherche active à postuler.
ChatGPT peut ainsi rendre les annonces plus lisibles et engageantes pour les médias sociaux, ce qui permet également de toucher les candidats passifs. Enfin, depuis l’ATS, la multidiffusion automatique des offres sur des sites emploi comme l’APEC, pour le recrutement de cadres, Linkedin ou Régionsjob etc. fait gagner un temps précieux au recruteur.
L’analyse des CV et l’évaluation des compétences
Les IA génératives peuvent analyser rapidement et efficacement des milliers de candidatures (CV et lettre de motivation), en identifiant les compétences clés, le parcours professionnel et la formation pertinente en fonction du profil recherché, pour chaque poste à pourvoir.
De plus, il est possible de réaliser des évaluations des compétences techniques et comportementales des candidats en utilisant des simulations et des tests en ligne. Dans des domaines pointus comme le recrutement it, cela permet de recruter des experts en sécurisant le processus de recrutement.
En outre, un parcours conversationnel avec un chatbot et/ou un questionnaire de préqualification via l’IA permettent d’améliorer l’expérience candidat en le rendant acteur de la démarche. Des questions très ciblées sont posées au candidat et apportent des éléments factuels au recruteur, ce qui fait de l’IA un véritable outil d’aide à la décision.
Prédiction de la réussite des candidats
L’IA peut aider à prédire la réussite des futures recrues, ainsi que des collaborateurs. Des algorithmes avancés et des modèles d’apprentissage automatique analysent les données historiques des postulants, telles que la performance, l’ancienneté et la satisfaction au travail. Des tests prédictifs peuvent être réalisés par un cabinet de conseil en ressources humaines, par exemple, ou des consultants psychologues expérimentés.
L’offre RH s’étoffe en intégrant ces tests dans certains processus de recrutement, comme l’approche directe, pour recruter des cadres dirigeants.
L’IA permet ici de prédire le comportement au travail des candidats et prétendants à une promotion, ainsi que leurs soft skills. Ceux-ci sont mis en situation afin d’être évalués en conditions de travail. Les managers disposent ainsi de toutes les informations pour le recrutement de profils qui s’intégreront de manière homogène au reste de l’équipe.
L’IA dans la gestion des talents
D’une manière générale, mettre en œuvre la politique rh de l’entreprise, ou encore décliner les actions de GEPP (ex-GPEC), va être de plus en plus facilité par les outils d’intelligence artificielle.
La gestion des compétences
De la même manière que les tests de prédictivité pour les candidats, l’IA permet d’évaluer les compétences des collaborateurs, de détecter leur potentiel d’évolution, ainsi que d’élaborer une cartographie des compétences. Les salariés peuvent ainsi bénéficier d’une gestion des carrières avec une évolution professionnelle concrète.
Par exemple, un employé qui a fait ses preuves peut se voir proposer un poste de chef d’équipe ou chef de service, via la mobilité interne. Pour que cette dernière soit efficace, les dernières offres, avec la liste des postes à pourvoir, doivent être communiquées en priorité en interne.
Avec une analyse individuelle des profils de chacun, l’IA permet aussi aux DRH de proposer aux salariés un accompagnement personnalisé : parcours de formation, coaching, voire un bilan de compétences pour valider un projet professionnel ou un outplacement. De plus, en agissant sur le développement des compétences, l’employabilité des collaborateurs est préservée.
La formation
L’IA permet également de détecter les besoins en formation des collaborateurs, en s’appuyant sur leurs compétences et les résultats qu’ils obtiennent. Conséquence directe de cette analyse, les algorithmes sont capables de construire des programmes de formation individualisés et de proposer un apprentissage adaptatif, basé sur les données des apprenants (mode d’apprentissage, appropriation du contenu).
Avec un travail d’ingénierie de formation au préalable, il est possible de créer du sur-mesure en proposant des micro-modules de contenu pour acquérir une compétence précise.
Quel impact sur la fidélisation ?
L’IA reste un outil au service du management des ressources humaines et du capital humain de l’entreprise. Le relationnel passe en effet avant tout, et, pour retenir les talents, le binôme responsable RH – manager doit également être à l’écoute des motivations des collaborateurs, avant de s’appuyer sur les algorithmes d’intelligence artificielle. Pour l’instant, l’IA reste éloignée du contexte et de l’environnement de travail.
Elle peut être considérée comme un support technique pour fidéliser les salariés, au sens où elle permet de gagner du temps, d’accroître la productivité et de se consacrer à des missions à plus haute valeur ajoutée.
L’IA dans la gestion administrative
S’il y a bien un domaine dans lequel l’IA représente une révolution digitale, c’est dans la gestion administrative.
L’administration du personnel
En lien avec le SIRH, l’automatisation des demandes de congés, l’enregistrement des contrats de travail (CDI, CDD, intérimaires) selon des processus définis, facilitent le travail du service ressources humaines en matière de gestion du personnel et renforcent la réactivité.
Le responsable administratif a donc la possibilité de déléguer à l’IA une grande partie de tâches fastidieuses et répétitives, afin de se concentrer sur la gestion RH ou la partie analytique de son métier, par exemple. L’autre avantage est de réduire le risque d’erreurs, puisque l’IA fonctionne, entre autres, par itération.
La paie
Pour les entreprises qui n’ont pas recours à l’externalisation, l’automatisation de certaines tâches (transmission des variables de paie, temps de travail…) simplifie le travail du gestionnaire de paie et contribue à la sécurisation de la paie.
De plus, l’IA représente un gain de temps et de productivité. Cependant, l’intervention humaine reste nécessaire pour intégrer les évolutions du droit social, les expliquer si besoin, et répondre aux problématiques individuelles des collaborateurs, en toute confidentialité.
Y a-t-il des limites à l’utilisation de l’IA ?
L’IA offre-t-elle de vraies solutions RH aux entreprises qui recrutent et, d’une manière générale, à la direction des ressources humaines ? Si elle peut apporter des bénéfices incontestables, elle nécessite d’être utilisée avec prudence et implique des adaptations.
La confidentialité des données
L’entreprise, via le RGPD, doit veiller au respect de la vie privée des candidats et des salariés, en assurant la protection de leurs données personnelles. Cependant, l’exportation de données est autorisée en France et à l’international, sous réserve de respecter certaines conditions de sécurité[1].
Mais en ce qui concerne l’utilisation de l’IA avec ChatGPT, la prudence est de rigueur puisque l’entreprise californienne Open AI ne respecte aucune de ces règles et n’applique pas le RGPD.
Attention à la qualité des données !
Pour pouvoir se fier à l’IA et bénéficier de son efficacité, la qualité des données est cruciale. Ainsi, il est primordial de disposer d’un échantillon représentatif de données anonymisées et suffisamment diversifié pour ne pas tronquer les résultats et éviter les biais cognitifs, le tout en respectant une certaine éthique.
De plus, l’IA, qui est censée respecter les principes d’égalité et de non-discrimination, doit être alimentée par des données objectives, fournies par l’humain. Cela reste donc un outil à utiliser avec prudence. De même, il est préférable de vérifier la source de certaines informations, surtout dans les premiers temps, certaines erreurs ayant déjà été commises.
Qu’en est-il du ROI ?
Cependant, au niveau de la direction des ressources humaines, il est légitime de s’interroger sur le retour sur investissement de ce type de technologie. En effet, en fonction de la taille de l’entreprise, Grands-comptes, PMI, entreprises à taille humaine, les bénéfices attendus ne seront pas toujours au rendez-vous. Tout dépend de la quantité de données disponibles et du nombre de fois où un processus peut être itéré.
De plus, pour obtenir des résultats pertinents, une IA a besoin d’être entraînée régulièrement. L’analyse coût/efficience relève de la responsabilité des ressources humaines, qui doit tenir compte à la fois des réalités sociales et des nécessités économiques de l’entreprise.
Des adaptations nécessaires
L’introduction de l’IA dans le domaine des ressources humaines implique que les professionnels RH se forment pour bien appréhender toutes les possibilités offertes par cette technologie. Ils doivent en effet prendre conscience des adaptations nécessaires des métiers RH, de leur diversification, et des mutations à venir des missions de gestion des ressources humaines.
Ces adaptations sont également valables pour tous les métiers qui sont amenés à se transformer en intégrant l’IA, et ce, proportionnellement à la place donnée à cette technologie. Pour réussir cette mutation, un travail titanesque d’analyse et de développement RH attend la fonction ressources humaines :
- Audit des différents métiers et des compétences requises
- Déployer une stratégie de communication interne ciblée et impliquer les collaborateurs dans le processus afin d’optimiser la conduite du changement
- Former les salariés à ces nouveaux outils, à leurs atouts et à leurs limites
- Réglementer les bonnes pratiques en établissant les champs d’action et les limites de l’utilisation de l’IA dans l’entreprise
Pilotée et nourrie par l’humain, l’IA ne peut être considérée que comme un outil d’exécution. Pour un responsable des ressources humaines ou un cadre dirigeant, elle demeure une aide à la décision, facilitatrice dans la mise en œuvre de processus RH et l’exécution de tâches chronophages.
En effet, l’IA ne connaît pas tous les éléments de contexte, ni la culture d’entreprise, pour pouvoir prendre une décision. En outre, la créativité, l’imagination ou encore l’innovation ne sont pas remplaçables par l’intelligence artificielle.
Notons qu’un robot comme ChatGPT avoue lui-même ne pas savoir gérer les émotions. Ainsi, les relations sociales relèveront toujours de la fonction RH, car cela implique de mobiliser une certaine empathie, un sens de la négociation, une prise en compte de l’autre et de ses émotions. Bref, des compétences relationnelles, avant tout humaines.
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[1]https://www.cnil.fr/fr/transferer-des-donnees-hors-de-lue