Peut-on concilier bonheur et travail ? Si le bien être au travail est une priorité pour les salariés et pour l’entreprise, tous ses enjeux demeurent encore sous-évalués par certains. D’autres déploient une palette de services attractifs pour améliorer les conditions de travail, au point d’en faire un argument marketing.
Quelles sont les mesures réellement efficaces ? Comment les entreprises prennent-elles en compte le bien être au travail ? Ont-elles progressé ? État des lieux.
En 2020, les problèmes de santé psychique restent la première cause de consultation de la médecine du travail. Un salarié sur quatre souffrirait de troubles psychiques liés au travail1 et 22 % de stress professionnel2. La prévention des risques psychosociaux a donc toujours un rôle déterminant à jouer.
Les enjeux du bien-être au travail
Du point de vue des entreprises, le mal-être a des conséquences très lourdes. La multiplication des arrêts maladie, le turnover, le présentéisme, les risques de burn out etc. coûteraient entre 1,9 et 3 milliards d’euros, selon l’INRS3.
Autre impact, auquel on ne pense pas toujours, celui sur l’image. Ainsi, une expérience collaborateur négative aura un effet boule de neige sur les réseaux et pourra engendrer des difficultés de recrutement ultérieures.
C’est pourquoi, de plus en plus d’entreprises se sont saisies de la question du bien être de leurs collaborateurs, via notamment une démarche de qualité de vie au travail (QVT).
Elles ont en effet intégré le fait que, contrairement à certaines idées reçues, le bien être des salariés n’est pas incompatible avec la performance de l’entreprise. Ainsi, entretenir la motivation, agir sur le bien être et les conditions de travail augmente la productivité.
En parallèle, les mentalités ont évolué et les critères prioritaires pour les salariés d’aujourd’hui sont l’ambiance de travail, la reconnaissance, puis la rémunération4.
Avec l’arrivée des nouvelles générations sur le marché du travail, les priorités ont donc changé. Il n’est plus question de se tuer à la tâche, et l’équilibre entre la vie personnelle et la vie professionnelle est désormais essentiel, tout comme l’environnement de travail.
La nouvelle tendance des mesures « feel good »
Depuis quelques années, les entreprises semblent s’être emparées de la question du bien être au travail. En témoigne la création de nouveaux postes comme chief happiness officer, happiness manager ou responsable du bonheur au travail.
Certains employeurs rivalisent de propositions « feel good » à l’attention de leurs salariés, dont l’objectif est aussi d’attirer de nouveaux talents. Si pour les petites entreprises, il est plus avantageux d’investir dans un baby foot ou un billard, d’autres préfèrent offrir aussi à leurs salariés un abonnement à une salle de sport, des séances de yoga, des massages sur le lieu de travail…
Certains employeurs mettent à disposition de leurs salariés un jardin partagé, un espace dédié à la sieste, d’autres leur offrent des fruits frais. La santé et la sécurité au travail deviennent des arguments marketing et les conditions de travail sont utilisées pour valoriser la marque employeur.
Alors que des mesures simples peuvent aussi contribuer au bonheur des salariés : des locaux bien exposés, un bureau agréable à vivre, une décoration personnalisée… on assiste à une surenchère d’actions souvent mises en avant pour séduire la génération Y, les millénials.
Certes, toutes ces petites actions sont synonymes de détente et de bien être, mais ont-elles des effets réels sur le long terme ? In fine, il est essentiel de prendre conscience que le bien être au travail est avant tout une question structurelle et managériale.
La responsabilité des dirigeants
L’employeur a l’obligation légale de veiller à la santé physique et mentale de ses salariés. Dans ce contexte, le rôle des ressources humaines est de mettre en œuvre une démarche de prévention des risques psychosociaux, qui permettra de repérer les situations sensibles ou les personnes vulnérables.
De même, les missions des RH consistent, entre autres, à accompagner les changements, ou encore, à former les salariés, avec pourobjectif de réduire le stress au travail.
La responsabilité du bien être au travail revient donc aussi aux dirigeants, aux ressources humaines et au management, qui se doivent de diffuser la culture et les valeurs de l’entreprise, de donner un sens au travail, et d’instaurer un climat social serein.
Du côté des managers de proximité, il s’agit de mettre en place une organisation du travail adaptée, avec une répartition équilibrée de la charge de travail, des objectifs SMART, de laisser une part d’autonomie aux salariés dans la manière d’accomplir leurs missions, le principal étant d’atteindre l’objectif visé. Aux managers aussi de veiller à entretenir une bonne ambiance de travail au sein des équipes.
Le bien être passe également par la reconnaissance des compétences et du travail bien fait. Cela peut aller du simple remerciement à la promotion, en passant par une meilleure rémunération.
Désormais, avec une meilleure prise en compte du bien être au travail, 73% des salariés se déclarent satisfaits de leur qualité de vie au travail. Des progrès ont été réalisés mais, avec un rythme de travail accru, 36 % des salariés, ou 46 % des managers, rencontrent encore des difficultés à associer vie professionnelle et vie personnelle5.
D’une manière générale, ils souhaiteraient tout de même un meilleur accompagnement de la part de leur employeur.
Plus de la moitié d’entre eux apprécieraient notamment des services pour bien dormir, pour faire de l’exercice et pour bien maîtriser son alimentation.Ainsi, les efforts accomplis restent à poursuivre pour obtenir, d’un côté comme de l’autre, des bénéfices partagés !
[1] Rapport de l’OMS, 2001[2] Enquête de l’Agence européenne de sécurité et santé au travail, 2002[3] Enquête de 2007, menée conjointement par l’INRS, Arts et Métiers ParisTech et le Groupe de recherche sur le risque, l’information et la décision (unité de recherche commune Arts et Métiers ParisTech – ESTP – IAE de Paris)
[4] Étude de perception Malakoff Médéric Humanis réalisée par Ifop auprès de 4 552 salariés du secteur privé, conduite par Internet du 17 mai au 20 juin 2019[5] Ibid.