Obligation de justifier un refus d’embauche : Que dit la loi ? 

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Informer un candidat qu’il n’est pas retenu pour un poste n’est jamais un exercice agréable. Toutefois, plutôt que de passer par la case ghosting – que de plus en plus de candidats déplorent -, il est préférable d’annoncer la nouvelle en bonne et due forme.

Mais pas que. Un simple “non” ne suffit plus, et les candidats attendent désormais un retour un minimum argumenté : pourquoi leur profil n’a pas été retenu, quelles compétences faisaient défaut, ou encore ce qui a fait pencher la balance en faveur d’un autre.

Faut-il pour autant justifier légalement un refus d’embauche ? Quelles sont vos obligations en tant que recruteur ? Décryptage dans cet article.

L’employeur est-il obligé d’avertir tous les candidats que leur candidature est refusée ?

Selon la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), l’employeur n’est pas tenu d’expliquer les raisons pour lesquelles il a choisi un candidat plutôt qu’un autre. Il n’existe donc, à proprement parler, aucune contrainte légale vous obligeant à justifier votre refus.

Toutefois, afin de lutter contre les discriminations, l’article article L 1132-1 du Code du Travail interdit les refus d’embauche basés sur les critères suivants :

  • sexe, mœurs, orientation sexuelle, situation familiale, grossesse ;
  • appartenance ou non appartenance (réelle ou supposée) à une ethnie, une nation ou une race, nom de famille, lieu de résidence, caractéristiques génétiques, origine géographique ;
  • opinions politiques, activités syndicales ou mutualistes, convictions religieuses ;
  • âge, apparence physique, état de santé ou handicap (sauf inaptitude constatée par le médecin du travail).

En clair, même si la loi n’impose pas de motiver un refus d’embauche – sauf pour des cas exceptionnels -, il est vivement recommandé de le faire, tant pour des raisons éthiques que pour préserver l’image et la réputation de votre entreprise.

Pourquoi justifier un refus d’embauche auprès d’un candidat ?

Pour soigner l’expérience candidat

Selon le baromètre publié par Yaggo et l’IFOP en 2024, 82% des candidats ont déjà eu une mauvaise expérience lors d’un processus de recrutement. La raison principale pour 62% d’entre eux : ne jamais avoir reçu de réponse suite à leur candidature.

Or – toujours selon la même étude -, quand on sait que 58% des candidats partagent ces expériences avec leur entourage, l’absence de réponse peut créer un véritable effet “boule de neige” sur l’image de votre entreprise. Si les candidats commencent à en parler autour d’eux, vous prenez le risque de décourager de futurs talents à postuler – et de ternir durablement l’image de votre entreprise, bien avant même le début d’une éventuelle collaboration. Pour éviter cet écueil, il est donc conseillé d’améliorer les process de recrutement.

Pour préserver sa marque employeur

Selon une étude HelloWork de 2023, 77 % des candidats affirment n’avoir reçu aucun retour après avoir postulé à une offre d’emploi. Ce silence, souvent perçu comme du ghosting, laisse une impression négative durable et nuit à l’image de l’entreprise. En prenant le contrepied de ce phénomène, en répondant systématiquement aux candidatures, vous vous distinguez de vos concurrents et renforcez activement votre marque employeur. Une démarche simple, mais à fort impact. Ce faisait, vous démontrez clairement quelles sont vos valeurs en tant qu’entreprise, que ce soit avec les candidats ou vos collaborateurs.

Pour entretenir un vivier de talents

Les candidats que vous avez refusés aujourd’hui seront peut-être vos collaborateurs de demain. C’est ce que vous devez à tout prix garder en tête en écartant certaines candidatures.

Un refus bien formulé, argumenté et respectueux permet de laisser une bonne impression et de maintenir le lien avec des profils intéressants. Ce lien peut être réactivé à tout moment, en cas de nouveau besoin ou d’opportunité mieux adaptée. En effet, un candidat qui n’avait pas les bonnes compétences pour un poste spécifique aujourd’hui peut très bien correspondre à un autre demain, surtout dans un contexte de mobilité, de formation continue et d’évolution professionnelle rapide.

En gardant une base de données de candidatures pertinentes et en nourrissant cette relation par un suivi minimal (newsletter, message de relance, veille partagée…), vous vous constituez un véritable vivier de talents, réactif et déjà engagé vis-à-vis de votre entreprise.

Sous quel format l’employeur peut notifier son refus ?

Pour annoncer la nouvelle au candidat écarté, plusieurs formats sont envisageables. Le choix dépendra du degré d’implication du candidat dans le processus, du niveau de poste visé et de vos ressources internes.

  • En face-à-face : Cette option reste rare, mais peut être pertinente dans le cadre d’un processus avancé (cadres, dirigeants, profils stratégiques). Elle permet un échange direct, une explication nuancée, et montre une grande considération pour le candidat.
  • Par téléphone : Cette méthode est recommandée pour les candidats arrivés à un stade avancé du processus (derniers entretiens). Elle humanise la démarche, permet un feedback immédiat et donne au candidat l’occasion de poser des questions. C’est une bonne pratique pour soigner l’expérience candidat.
  • Par mail : C’est le format le plus courant, surtout pour les profils non retenus en début de parcours. Le mail permet de formaliser rapidement un retour, et d’y intégrer des éléments personnalisés. Il est important d’éviter les réponses automatisées impersonnelles, et d’ajouter au minimum un message de remerciement et une explication brève mais respectueuse.

Lorsque le nombre de candidatures est très élevé, il est compréhensible que vous n’ayez pas le temps de formuler un mail de refus personnalisé pour chaque personne ayant postulé. Dans ce cas, soyez transparent : informez les candidats de la situation tout en adoptant un ton respectueux.

En cas de refus, le candidat peut-il demander les raisons du refus ?

Le candidat a reçu un mail l’informant du rejet de sa candidature, mais il revient vers vous pour obtenir des explications. Sur le plan légal, vous n’êtes pas tenu de justifier votre décision. Toutefois, il est important de faire preuve de discernement : si le candidat a atteint la dernière étape du processus de recrutement, s’est déplacé pour un entretien et a consacré du temps à une étude de cas, une réponse impersonnelle ou automatisée risque d’être perçue comme décevante, voire irrespectueuse.

Il faut donc faire preuve de bon sens, en analysant la situation au cas par cas, en considérant l’investissement fourni par le candidat, en tenant compte de la qualité de ses échanges avec l’équipe et de la transparence que vous souhaitez incarner en tant qu’employeur.

Quels sont les motifs de refus valides ?

Le profil du candidat ne correspond pas à la fiche de poste

Que ce soit au niveau des compétences, de l’expérience ou des soft skills requises, le candidat ne matche pas avec les critères demandés sur le poste. Vous pouvez vous appuyer sur la fiche de poste que vous avez établi en amont pour justifier le point manquant.

Le candidat ne “fit” pas avec les valeurs de l’entreprise

Parfois, un profil coche toutes les cases mais montre un trait de personnalité qui n’est pas en adéquation avec la culture d’entreprise. Par exemple, le candidat dit détester travailler en équipe, alors que l’essentiel de son travail sera basé sur la collaboration avec ses collègues. Attention à ne pas négliger ce point, puisque un salarié qui n’est pas aligné avec les valeurs de l’entreprise rencontrera très certainement des soucis d’intégration – ou, dans le pire des cas, partira pendant sa période d’essai.

Le candidat manque d’expérience

Si vous avez besoin d’un profil bien outillé, avec un solide bagage professionnel, le manque d’expérience peut être un véritable frein. Et si le niveau d’expérience requis doit être à tout prix mentionné dans l’annonce, il est parfois délicat de l’estimer avec précision avant l’entretien.

L’étude de cas ou le test de recrutement n’a pas été assez convaincant

Le candidat a brillé lors du premier entretien, mais son résultat lors du test de recrutement a été décevant. Qu’il s’agisse d’un test de personnalité, d’une étude de cas, ou d’un test psychotechnique, échouer à un test est un motif de refus légitime.

Les prétentions salariales sont trop élevées

Le salaire demandé par le candidat excède largement le budget prévu sur le poste. Si vous n’êtes pas prêt à négocier la rémunération – ou que le talent reste campé sur ses positions -, vous pouvez tout à fait décider de rejeter sa candidature. Afin d’éviter cette situation, il est recommandé d’indiquer la rémunération dans l’offre d’emploi, ou de poser la question des prétentions salariales dès le premier échange. Cela permet de s’assurer rapidement que les attentes sont alignées et d’éviter une perte de temps des deux côtés.

Vous avez décelé un manque de motivation lors de l’entretien

L’attitude du candidat ne vous permet pas de vous projeter avec lui pour la suite. Manque de respect, retard, délais de réponse très longs : vous ne le sentez pas assez investi pour envisager un recrutement. Auquel cas il pourra être judicieux de l’interroger sur les raisons de ce manque de motivation.

Un autre profil vous a plus convaincu

Vous avez reçu des candidats tous plus brillants les uns que les autres, mais vous avez dû faire un choix difficile. Dans ce cas, indiquez clairement au profil écarté la raison du refus, et rassurez-le sur la qualité de sa candidature. C’est un excellent signal pour vous, puisque cela signifie que vous réussissez à attirer des candidats qualifiés.

Quel est le risque si le motif de refus n’est pas accepté par le candidat ?

Même si la loi n’exige pas une justification systématique du refus d’embauche, un retour mal formulé – ou perçu comme discriminatoire – peut entraîner de lourdes conséquences pour l’employeur. En effet, un candidat qui estime avoir été écarté pour un motif illégal peut engager une action en justice, notamment devant le conseil de prud’hommes, au titre de la discrimination à l’embauche.

Dans ce type de litige, la charge de la preuve est partagée : le candidat doit présenter des éléments laissant supposer l’existence d’une discrimination, et l’employeur doit alors prouver que sa décision repose sur des critères objectifs, professionnels et non discriminants. Si cette démonstration échoue, la responsabilité de l’entreprise peut être engagée.

Outre le risque judiciaire, un litige avec un candidat peut entacher la réputation de votre entreprise. À l’heure des réseaux sociaux et des plateformes d’avis (comme Glassdoor), un commentaire négatif peut rapidement faire tache d’huile et nuire à votre marque employeur.

Les autres obligations d’un employeur dans le cadre d’un recrutement

Si certaines pratiques relèvent du bon sens ou de l’éthique, d’autres sont encadrées par des obligations légales précises. En tant que recruteur, vous devez respecter un certain nombre de règles tout au long du processus de recrutement, de la diffusion de l’offre jusqu’à l’intégration éventuelle du candidat retenu.

1. Diffuser une offre d’emploi non discriminatoire

Avant même de recevoir une candidature, votre entreprise est tenue de rédiger et publier une offre d’emploi conforme à la législation en vigueur. Elle ne doit contenir aucune mention discriminatoire, directe ou indirecte. Cela concerne notamment :

  • l’âge,
  • le sexe,
  • la situation familiale,
  • l’origine,
  • les opinions politiques ou religieuses,
  • l’apparence physique,
  • le handicap.

Une offre mentionnant par exemple « jeune diplômé » ou « homme dynamique » pourrait être considérée comme discriminatoire. Il est donc essentiel d’adopter une formulation neutre et inclusive.

2. Informer les candidats sur le traitement de leurs données personnelles

Le traitement des données issues des candidatures (CV, lettres, entretiens, tests) est soumis au RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données). L’employeur a l’obligation :

  • d’informer les candidats sur l’usage de leurs données (durée de conservation, finalité, destinataires),
  • de leur permettre d’exercer leurs droits (accès, rectification, suppression),
  • de ne conserver les données que pendant une durée raisonnable (généralement 2 ans maximum pour les candidatures non retenues).

Pensez à inclure une mention d’information RGPD dans l’offre d’emploi ou dans l’accusé de réception de candidature.

3. Respecter le principe de transparence et de loyauté dans le processus

Un recruteur se doit d’agir avec loyauté et transparence tout au long du processus. Cela implique notamment :

  • de ne pas induire les candidats en erreur sur le poste, les missions, la rémunération ou les perspectives d’évolution,
  • de ne pas utiliser des tests ou mises en situation sans lien direct avec les compétences recherchées,
  • de garantir la confidentialité des échanges, surtout si le candidat est en poste ailleurs.

4. Tenir un registre des entretiens et décisions prises

Pour sécuriser juridiquement vos recrutements, il est fortement recommandé de documenter votre processus : qui a été reçu ? quels critères ont été évalués ? pour quelles raisons certains candidats ont été écartés ? Ces éléments peuvent s’avérer cruciaux en cas de litige.

Bien que cette obligation ne soit pas formalisée dans tous les cas, elle s’inscrit dans une logique de traçabilité et de responsabilité.

5. Respecter l’égalité de traitement entre les candidats

À compétences égales, tous les candidats doivent bénéficier des mêmes chances et conditions d’évaluation. Cela signifie qu’un recruteur ne peut pas favoriser un candidat en raison d’un critère subjectif ou non professionnel. En cas de doute ou d’écart entre deux profils similaires, le critère de pertinence professionnelle doit toujours primer.

6. Établir une promesse ou un contrat clair pour le candidat retenu

Si un candidat est retenu, l’employeur doit formuler une promesse d’embauche claire, voire directement un contrat de travail. Ce document doit préciser :

  • le poste,
  • la date d’entrée,
  • le type de contrat (CDI, CDD…),
  • la rémunération,
  • les horaires et le lieu de travail.

Une promesse d’embauche engage l’entreprise juridiquement, surtout si elle mentionne tous les éléments essentiels d’un contrat. Un revirement de décision non justifié peut entraîner des poursuites pour rupture abusive.

3 exemples de mails de refus suite à une candidature

Vous ne savez pas comment expliquer à un candidat pourquoi vous ne l’avez pas choisi ? Voici trois modèles de mails de mail de refus que vous pouvez adapter selon les pratiques de votre entreprise (usage du tutoiement ou du vouvoiement, type de poste, profil du candidat,…).

1. Exemple de mail de refus à envoyer après réception d’une candidature (sans entretien)

Objet : Suite à votre candidature pour le poste de [Nom du poste]

Madame / Monsieur [Nom],

Nous vous remercions d’avoir postulé à l’offre de [Nom du poste] au sein de [Nom de l’entreprise].

Après une analyse attentive de l’ensemble des candidatures reçues, nous avons le regret de vous informer que votre profil n’a pas été retenu pour ce poste.

Ce choix ne remet aucunement en question la qualité de votre parcours, mais résulte d’une adéquation plus marquée entre le poste proposé et d’autres candidatures.

Sauf opposition de votre part, nous conserverons votre dossier pour de futures opportunités correspondant davantage à votre profil.

Nous vous souhaitons le meilleur dans la poursuite de vos démarches professionnelles.

Bien cordialement,

[Nom et Prénom]

[Fonction]

[Entreprise]

2. Exemple de mail de refus après un entretien (profil non retenu)

Objet : Retour suite à notre entretien pour le poste de [Nom du poste]

Bonjour [Prénom],

Nous vous remercions pour le temps que vous avez consacré à notre processus de recrutement, et pour la qualité de nos échanges lors de votre entretien pour le poste de [Nom du poste].

Après réflexion, nous avons décidé de poursuivre le processus avec un autre profil, dont l’expérience correspond plus étroitement aux exigences actuelles du poste.

Cette décision n’a pas été facile à prendre, tant votre candidature présente des atouts indéniables. Nous avons particulièrement apprécié [mentionner un point fort du profil ou de l’échange].

Nous espérons que vous trouverez prochainement un poste à la hauteur de vos ambitions et restons à votre disposition si vous souhaitez un retour plus détaillé sur votre entretien.

Bien à vous,

[Nom et Prénom]

[Fonction]

[Entreprise]

3. Exemple de mail de refus après le dernier entretien (profil finaliste)

Objet : Retour final suite à votre candidature – [Nom du poste]

Bonjour [Prénom],

Tout d’abord, un grand merci pour l’intérêt que vous avez porté à notre entreprise, ainsi que pour votre implication tout au long du processus de recrutement.

Après des échanges riches et constructifs, notre choix s’est finalement porté sur un autre profil, dont l’expérience ou les compétences spécifiques répondaient davantage à nos besoins actuels.

Ce choix a été difficile à faire, car votre candidature a été particulièrement appréciée. Nous tenons à souligner la qualité de votre parcours et espérons que nos chemins se recroiseront à l’avenir.

Si vous le souhaitez, nous serions ravis de vous faire un retour plus détaillé sur notre décision.

Nous vous souhaitons plein succès pour la suite de vos démarches.

Bien cordialement,

[Nom et Prénom]

[Fonction]

[Entreprise]

A propos de l’auteur/autrice

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