En 2026, les recrutements doivent aller vite, tout en restant sécurisés : marché de l’emploi tendu, pénurie de compétences, pression sur la qualité des embauches… Dans ce contexte, la prise de références reste un réflexe très ancré chez de nombreux recruteurs.
Mais entre cadre légal strict, protection des données personnelles et exigence d’une expérience candidat irréprochable, une question se pose : la prise de références est-elle encore une bonne pratique ou devient-elle un frein au recrutement ? Décryptage.
Qu’est-ce que la prise de références dans le recrutement ?
La prise de références consiste, pour un recruteur, à contacter d’anciens employeurs, managers ou collègues d’un candidat afin de vérifier ou compléter certaines informations :
- cohérence du parcours professionnel ;
- niveau réel de responsabilité occupé ;
- compétences techniques et relationnelles ;
- manière de travailler en équipe, fiabilité, posture, etc.
En théorie, il ne s’agit pas de “refaire un entretien par personne interposée”, mais de valider quelques points clés pour sécuriser une décision d’embauche, notamment sur des postes à enjeux (managers, dirigeants, fonctions sensibles…).
En pratique, la prise de références peut vite déraper si elle n’est pas encadrée : questions trop intrusives, commentaires subjectifs, informations non vérifiées, ou, pire, prise de références réalisée sans que le candidat en soit informé. D’où l’importance de bien connaître le cadre légal.
Prise de références : ce que dit la loi
En France, la prise de références est autorisée, mais strictement encadrée. Deux grands blocs de règles s’appliquent :
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Le Code du travail
Il impose au recruteur :
- de ne collecter que des informations ayant un lien direct et nécessaire avec l’emploi proposé ;
- d’informer préalablement le candidat des méthodes et techniques d’aide au recrutement utilisées, ce qui inclut la prise de références.
Concrètement, cela signifie qu’un employeur qui souhaite s’enquérir des références d’un candidat doit obtenir son accord préalable, idéalement par écrit (clause dans le formulaire de candidature, autorisation signée, mail explicite…).
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Le RGPD et la loi Informatique et Libertés
Les informations recueillies lors d’une prise de références sont des données personnelles. Elles sont donc soumises aux principes de :
- licéité, loyauté, transparence ;
- minimisation des données (on ne collecte que ce qui est nécessaire à l’évaluation professionnelle) ;
- information claire du candidat sur la finalité du traitement, les personnes contactées, la durée de conservation,…
La CNIL rappelle que les recruteurs doivent pouvoir démontrer leur conformité (registre de traitement, information des candidats, sécurisation des données).
En résumé :
✅ La prise de références est possible,
❌ mais jamais en “mode sauvage”.
Sans consentement éclairé du candidat, la pratique est illégale et expose l’employeur à des risques juridiques (sanctions CNIL, contentieux…).
À quel moment du processus de recrutement réaliser une prise de références ?
En 2026, où chaque jour compte pour sécuriser un candidat dans un processus de recrutement, la question du timing est stratégique.
En général, la prise de références intervient :
- après un ou plusieurs entretiens,
- sur des candidats en shortlist,
- juste avant la décision finale ou la promesse d’embauche.
Pourquoi à ce moment-là ?
- parce que vous disposez déjà d’éléments solides sur le candidat ;
- parce que vous évitez de solliciter des référents pour des profils qui ne seront de toute façon pas retenus ;
- parce que vous pouvez cadrer la prise de références avec le candidat, lui expliquer la démarche et obtenir son autorisation écrite.
Sur des postes très sensibles (direction générale, fonctions financières stratégiques, postes réglementés…), certains recruteurs peuvent choisir de réaliser deux niveaux de vérification (références + contrôle de diplômes ou de casier, selon les cas). Là encore, la clé reste la transparence avec le candidat et le respect du cadre légal.
Comment effectuer une prise de références ?
Pour qu’une prise de références soit utile, légale et éthique, elle doit être préparée et structurée.
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Obtenir l’accord du candidat, noir sur blanc
- Informez-le clairement : “Nous souhaitons contacter un ou deux anciens managers pour confirmer certains éléments de votre parcours.”
- Demandez-lui les coordonnées des personnes que vous pouvez joindre (managers, RH, tuteurs, etc.).
- Formalisez le tout dans une autorisation de prise de références (document ou mail) qui précise : qui sera contacté, dans quel but et sur quelles thématiques.
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Choisir des référents pertinents
- privilégiez les personnes qui ont travaillé directement avec le candidat ;
- ajustez selon le profil (pour un junior, un maître de stage ou un professeur peut faire sens).
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Préparer un guide d’entretien de références
L’objectif n’est pas de récolter des ragots, mais d’obtenir des informations factuelles et professionnelles, par exemple :
- contexte du poste occupé ;
- missions principales ;
- niveau d’autonomie et de responsabilité ;
- points forts observés ;
- style de collaboration ;
- points de vigilance ou besoins d’accompagnement.
Et surtout, pas de questions discriminatoires (santé, situation familiale, opinions, etc.), interdites par la loi.
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Conduire l’échange avec neutralité
- expliquez au référent le cadre de votre démarche ;
- posez des questions ouvertes, sans orienter les réponses ;
- évitez les formulations du type “vous confirmez qu’il posait problème ?” qui induisent un biais.
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Tracer et sécuriser les informations
- consignez les éléments dans un compte rendu factuel ;
- limitez l’accès à ces informations aux seules personnes impliquées dans la décision ;
- respectez la durée de conservation définie pour les données de candidats non retenus.
Pour ou contre la prise de références ?
En 2026, les avis sont souvent tranchés. D’un côté, ceux qui voient la prise de références comme un filet de sécurité indispensable ; de l’autre, ceux qui la considèrent comme un rituel dépassé, source de biais et de lenteur.
Les arguments en faveur de la prise de références
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Sécuriser les recrutements à forts enjeux
Sur certains postes, une erreur de casting peut coûter très cher (financièrement, humainement, en image). La prise de références permet de valider des points clés avant de s’engager.
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Vérifier la cohérence du parcours
Elle aide à confirmer que les responsabilités, résultats ou durées de poste annoncés par le candidat sont réalistes.
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Mieux préparer l’intégration
Certaines informations remontées par les anciens managers peuvent être utilisées pour anticiper l’onboarding : besoins d’accompagnement, environnement de travail dans lequel la personne s’épanouit, type de management à privilégier…
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Rassurer les parties prenantes
Pour un dirigeant ou un comité de direction, savoir que des références ont été prises peut renforcer le sentiment de sécurité autour d’une embauche stratégique.
Les arguments contre la prise de références
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Un risque important de biais
Un ancien manager peut être influencé par un conflit, un contexte de départ tendu, voire par ses propres biais (âge, genre, style de communication…). La prise de références peut alors défavoriser injustement le candidat.
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Un frein à la rapidité du recrutement
Contacts difficiles à joindre, délais de réponse… Dans un marché où les meilleurs profils reçoivent plusieurs offres, une prise de références mal organisée peut vous faire perdre un candidat.
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Une pratique parfois mal vécue par les candidats
Certains craignent que leur candidature soit “dévoilée” à leur employeur actuel, ou ne souhaitent pas impliquer d’anciens managers pour des raisons légitimes (restructuration, désaccord sur la stratégie, etc.). Une prise de références menée sans finesse peut donc dégrader l’expérience candidat.
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Un cadre légal exigeant
Sans consentement explicite, vous êtes hors des clous. En cas de litige, une prise de références sauvage peut peser lourd dans la balance (CNIL, contentieux prud’homaux, atteinte à la vie privée…).
En bref : la prise de références peut être un outil utile, mais certainement pas un automatisme ni un substitut à un bon processus d’évaluation.
5 bonnes pratiques à adopter
En 2026, la bonne question n’est peut-être plus “prise de références ou pas ?”, mais plutôt : “comment la pratiquer correctement, quand on choisit de le faire ?”. Voici 5 bonnes pratiques pour rester dans les clous.
1. Réserver la prise de références aux profils les plus avancés
La prise de références a surtout du sens pour les candidats finalistes ou ceux en très courte shortlist, pas pour l’ensemble des CV reçus. Présentez-la clairement comme une étape finale de validation, destinée à sécuriser la décision, et non comme un moyen de “surveiller” le candidat.
2. Toujours demander un consentement clair, explicite… et traçable
Avant toute démarche, informez le candidat du pourquoi, du comment, des personnes contactées et des sujets abordés lors de la prise de références. Son accord doit être formalisé (case à cocher, clause de candidature, autorisation signée, mail dédié) et vous devez vous engager à ne contacter personne sans son aval explicite.
3. Cadrer les questions sur le terrain professionnel
Lors de l’échange avec le référent, concentrez-vous sur des questions factuelles et ciblées : missions, contexte du poste, résultats obtenus, comportements professionnels observés.
Écartez toute question intrusive ou discriminatoire (santé, vie privée, opinions…) et rappelez que le retour attendu porte uniquement sur le registre professionnel.
4. Limiter l’impact des biais
Pour éviter les biais dans le recrutement, il peut être utile de solliciter, lorsque c’est possible, plusieurs référents afin de croiser les points de vue. Soyez attentif aux formulations employées et à ce qu’elles recouvrent réellement, en replaçant toujours les retours dans leur contexte passé et en tenant compte de la trajectoire potentielle du candidat depuis.
5. Intégrer la prise de références dans une démarche globale de recrutement éthique
La prise de références gagne à s’inscrire dans un processus documenté : qui intervient, à quel moment, selon quelles règles. Former recruteurs et managers aux aspects légaux, RGPD et déontologiques permet de sécuriser la pratique. Enfin, vérifiez régulièrement qu’elle apporte une valeur réelle (meilleure décision, onboarding plus fluide) et qu’elle n’est pas juste reconduite par habitude.
En 2026, la prise de références n’est ni un réflexe à bannir, ni un passage obligé. Bien utilisée, elle peut rester une bonne pratique, surtout sur les postes à forts enjeux. Mal maîtrisée, elle devient un frein : juridique, opérationnel et candidat.
La clé réside dans l’intention (sécuriser, pas fliquer), la transparence (rien sans le candidat) et la rigueur (questions pertinentes, cadre RGPD respecté). C’est à ce prix qu’elle peut encore trouver sa place dans un recrutement moderne.