La gen Z aime le spectacle, et cette nouvelle tendance virale nous le prouve. Le “quittok”, c’est l’art d’annoncer sa démission sur Tiktok, smartphone en main, pour la partager au monde entier. Zoom sur ce phénomène qui amuse les internautes autant qu’il inquiète les entreprises.
“It’s resignation day !”
“Fk the manager, fk the company, f***k this position, I’m quitting”. Ce sont sur ces belles paroles que Shana Blackwell, une jeune employée de Walmart, a annoncé sa démission au micro du supermarché. Une vidéo qu’elle a elle-même filmée en live et diffusée sur Tiktok, recevant les encouragements de millions d’internautes et lançant par la même occasion une nouvelle tendance : celle du quittoking.
Le hashtag regroupe aujourd’hui plusieurs milliers de vidéos, parfois sous forme de “storytime” (récit en français) pour conter à froid comment la démission s’est déroulée, parfois en direct sous forme de caméra – pas si – cachée. Certains internautes vont même jusqu’à lister des conseils pour démissionner de son job, encourageant les salariés qui ne sentent pas à l’aise dans leur poste à “oser démissionner de leur CDI”.
Une chose est sûre : le quittoking n’est pas qu’un simple départ d’entreprise. C’est une volonté de motiver haut et fort un choix professionnel.
Mode d’emploi du boss toxique
Car derrière ces mises en scène parfois tapageuses se dessine pourtant une dénonciation plus profonde : celle de conditions de travail jugées toxiques par une partie des jeunes actifs.
C’est après avoir subi des remarques sexistes et racistes à répétition que Shana Blackwell a choisi de lever le voile sur son quotidien, et d’exposer publiquement ce qu’elle a vécu. Même constat pour la majorité des vidéos du quittok, qui entendent bien tirer la sonnette d’alarme sur les conditions de travail malsaines et le harcèlement subi. Car, pour la Gen Z, quand la direction ne soutient pas, il faut tirer là où ça fait mal : sur la réputation de l’employeur.
Cette tendance s’inscrit dans une réflexion de fond plus large sur le management des jeunes générations et leur conception du bien-être en entreprise. Ce n’est pas un hasard si Tiktok est inondé de vidéos aux intitulés … : “how to deal with a toxic boss”, “signs you have a bad manager”, “quit with me”, ou encore “storytime: I walked out off the office”. Autant de formats qui mêlent défouloir, pédagogie et mise en scène, et qui redessinent – au grand jour – la frontière entre vie pro, vie perso et réputation d’entreprise.
Le bien-être avant le travail
Si le quittok a pris autant d’envergure, c’est parce que les attentes des nouvelles générations ont changé. Plus question de faire des heures supplémentaires à foison pour plaire à son supérieur – la gen Z, elle, priorise son bien-être au travail. Et n’hésite pas à claquer la porte dès qu’il n’est pas au rendez-vous…
Une étude Ifop de 2024 a mis en lumière ce glissement des attentes chez la génération Z : Plus de la moitié des jeunes actifs (52%) seraient prêts à changer pour un emploi plus plaisant mais moins rémunéré, et 42% valorisent l’ambiance de travail comme critère de choix d’un emploi, presque à égalité avec la rémunération.
Ce que cherchent les nouvelles générations ne se résume donc pas à la performance, mais plutôt à un équilibre entre épanouissement personnel et réussite professionnelle. Une condition sine qua non pour fidéliser ces collaborateurs qui refusent désormais de sacrifier leur santé mentale sur l’autel de la productivité.
Un mantra aperçu résumé sur plusieurs vidéos TikTok : “normalize quitting your job instead of normalizing being a completely and utterly miserable shell of yourself today” (Il faut normaliser de quitter son travail plutôt que de normaliser d’être malheureuse).
3 conseils pour se protéger du quittok dans son entreprise
Soigner la marque employeur
Dans un monde où chaque salarié est potentiellement un créateur de contenu, la marque employeur ne se résume plus à une belle promesse RH. Elle doit être vécue au quotidien.
Un collaborateur fier de son entreprise devient naturellement son meilleur ambassadeur – à l’inverse, un salarié déçu ou maltraité peut rapidement devenir son pire détracteur, surtout sur les réseaux sociaux.
👉 Le bon réflexe : valoriser la transparence, écouter les retours internes et rester cohérent entre discours et réalité terrain. Les entreprises les plus crédibles sont celles qui assument leurs failles et montrent qu’elles agissent pour s’améliorer.
2. Mettre l’expérience collaborateur au premier plan
Le “quittok” est souvent le symptôme d’un malaise plus profond : manque de reconnaissance, communication déficiente ou management déconnecté. Pour éviter que la frustration ne se transforme en vidéo virale, il faut miser sur une bonne expérience collaborateur : culture du feedback, du dialogue et de la reconnaissance.
👉 Le bon réflexe : mesurer régulièrement le climat social, favoriser la parole libre et offrir des perspectives claires d’évolution. Un collaborateur écouté et accompagné aura beaucoup moins envie de “scénariser” son départ.
3. Comprendre et manager la génération Z
La génération Z a grandi avec les réseaux sociaux : elle valorise la spontanéité, la liberté et l’authenticité. Ses attentes en entreprise sont donc radicalement différentes de celles de ses aînés : du sens, du respect et de l’équilibre avant tout.
👉 Le bon réflexe : adapter le management en misant sur la confiance et la responsabilisation. Exit le contrôle excessif et la communication descendante : la Gen Z attend un leadership inspirant, capable d’écouter, d’encourager et d’accompagner.
En bref, le “quittok” n’est pas qu’une mode éphémère. C’est un signal fort envoyé par une génération qui réclame plus d’authenticité, de bienveillance et de transparence au travail. Les entreprises qui sauront l’entendre avant qu’il ne se transforme en buzz négatif auront déjà une longueur d’avance.