« Êtes-vous mobile géographiquement ? » Cette question rituelle pourrait bien disparaître de l’entretien d’embauche si le télétravail continue de gagner du terrain. Voici pourquoi. Rien ne sera plus comme avant après ces deux mois de confinement. Le télétravail massif est passé par là, et même les réticents d’avant l’ont adopté. Qu’ils soient collaborateurs, managers ou DRH.
D’ailleurs, 85 % des DRH interrogés par l’ANDRH et le Boston Consulting Group sont formels : ils sont désormais partants pour généraliser la pratique du travail à distance. Un plébiscite presque équivalent du côté des télétravailleurs qui, selon un sondage CSA pour Malakoff Médéric, sont 84 % à souhaiter prolonger l’expérience.
Le télétravail réussit mieux qu’une énième loi de décentralisation
Si cette tendance de fond risque de bouleverser la vie des entreprises et de leurs salariés, elle pourrait aussi, et surtout, révolutionner la vie des entreprises en région. Comment ? En levant l’un des freins les plus puissants à leur développement : la mobilité géographique.
À Nantes, Marseille, Strasbourg, Bordeaux, Lille ou toute autre métropole régionale, quel DRH n’a été confronté à la réticence de certains talents à quitter l’Ile-de-France ? Non pas que ces derniers n’en aient pas envie – 70% en rêvent depuis la fin du confinement.
Mais c’est que Paris et sa région concentrent la très grande majorité des emplois en France et en restent le centre névralgique. Sauf que le télétravail pourrait bien bousculer ce dogme. Et faire plus pour la décentralisation des emplois que toutes les lois engagées dans ce sens depuis 40 ans. Il suffit de répertorier les raisons, objectives ou totalement subjectives, qui freinaient les cols blancs il y a quelques mois encore pour mesurer le changement.
Le télétravail pour s’installer en région à son rythme
Candidater pour une offre en région ? « Impensable et impossible », entendait-on chez les talents en mal de vert, enchaînés à leurs a priori. Par peur des surlendemains déconnectés de la fameuse région parisienne, ils se disaient qu’ils ne pourraient plus rebondir une fois sur place si d’aventure, ils souhaitaient changer d’entreprise une fois encore. Et puis, il fallait bien sûr tenir compte de l’emploi du conjoint ou de la conjointe.
Pas simple de trouver deux nouveaux jobs simultanément. Ces deux freins sont en train d’être déverrouillés par la montée en puissance du télétravail. Plutôt partiel, puisque les divers protagonistes, côté ressources humaines et côté partenaires sociaux, penchent plutôt vers le bureau à la maison à raison de 2, voire 3 jours par semaine, ce télétravail permet de relativiser la rupture avec son lieu de vie d’origine.
Un candidat vit en Ile-de-France et décroche un poste à Nantes, Marseille, Strasbourg, Bordeaux ou Lille par exemple ? Désormais, un aller/retour par semaine, avec une à deux nuits sur place, est beaucoup moins problématique qu’un déménagement à organiser en quelques semaines. Évidemment, si le candidat en question postule en région pour y vivre, il pourra s’installer sur place. Mais en prenant son temps.
Cette première phase pourra servir de test : vérifier qu’entre lui et sa nouvelle entreprise et son futur lieu de vie, ça matche. Surtout, un délai plus long, sans bousculade, permet à sa conjointe ou son conjoint, de chercher un nouvel emploi ou, pourquoi pas, de conserver le sien en télétravaillant depuis son nouveau lieu de vie.
Le télétravail fluidifie le marché du travail
Soit, mais une fois le déménagement en région opéré, comment rebondir ? Comment ne pas « s’enterrer » dans un poste ou « tomber sur une impasse » en région ? Les termes sont abrupts, mais reconnaissons-le, c’est ainsi que certains cadres pensent tout bas.
Là encore, le développement du télétravail pourrait s’avérer être un bon remède. Car, comme lors du premier transfert, les suivants s’opèrent plus sereinement. Le télétravail permet de fluidifier le marché du travail, d’aller au-delà des réticences, tout en redonnant du souffle à certains territoires qui en ont tant besoin.
L’heure d’indiquer dans une offre d’emploi « télétravail possible » est peut-être enfin arrivée. Certaines entreprises ont déjà osé. En tout cas, les événements récents pourraient, en plus de tous les chamboulements qui lui sont imputables, briser cet ultime tabou.