La crise sanitaire a nettement accéléré la digitalisation et, avec elle, la mise en place du télétravail. En parallèle, celui-ci a été rendu obligatoire en pleine pandémie pour les professions télétravaillables, puis réduit à 3 jours par semaine, avant d’être simplement fortement recommandé.
Pour déployer cette nouvelle forme d’organisation du travail, les DRH ont dû s’adapter rapidement, afin de répondre aux besoins de leurs collaborateurs tout en respectant la réglementation.
Quelles sont les conditions de réussite de ce nouveau mode de travail ? Quelles sont les bonnes pratiques en la matière ? Qu’est-ce qui a changé après 2 ans de crise sanitaire et quelle est l’évolution envisageable ? Tour d’horizon.
La mise en place du télétravail
La loi sur le renforcement du dialogue social du 15 septembre 2017 a simplifié les conditions de mise en œuvre du télétravail. Désormais, il n’est plus nécessaire de modifier le contrat de travail par avenant. De plus, le Code du travail stipule que « le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l’entreprise » (art. L. 1222-9).
Par ailleurs, le Ministère du travail met à disposition de tous un protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise face à l’épidémie de COVID-19.
Un accord ou une charte
Afin de faciliter la mise en place du télétravail, les partenaires sociaux ont également signé, le 26 novembre 2020, un accord national interprofessionnel (ANI). Ainsi, le télétravail peut être mis en œuvre par accord collectif, ou par le biais d’une charte élaborée par l’employeur, après avis du comité social et économique (CSE), ou encore par la formalisation d’un accord entre l’employeur et le salarié, sur la base du volontariat.
Des situations individuelles
Le dialogue social de proximité est également à privilégier pour pouvoir apporter des solutions individuelles à chaque situation de travail des salariés, avec la contribution des délégués du personnel plutôt qu’auprès d’un CSE trop centralisé, notamment dans les grandes entreprises où la proximité est plus difficile à instaurer.
Ce rôle, à la fois actif et préventif, est également dévolu au manager, responsable hiérarchique, qui doit pouvoir identifier les risques d’isolement social, de désengagement et/ou de stress chez chaque collaborateur…
Le rôle essentiel des ressources humaines
L’importance de l’information et de la communication RH dans la mise en œuvre de la démarche est considérable. Il revient aux DRH de sensibiliser aux bonnes pratiques l’ensemble des collaborateurs, pour que chacun puisse travailler dans de bonnes conditions, via notamment la formation. Il s’agit de vérifier les pré-requis et de former, si besoin, aux nouvelles technologies de l’information, mais aussi de former les responsables hiérarchiques au management à distance.
Les conditions de travail
Dans ce cadre, une gestion des ressources humaines efficace consiste également à s’assurer que les conditions de travail des salariés sont adéquates et/ou de travailler à l’amélioration de ces conditions. Le télétravailleur dispose-t-il d’un environnement de travail adapté, d’un poste de travail ergonomique ? Possède-t-il les outils informatiques nécessaires ?
La prévention des risques
Les responsables des ressources humaines doivent également, tout particulièrement, faire preuve de vigilance en matière de prévention des risques psychosociaux, auprès de l’ensemble des collaborateurs. Il s’agit pour chacun de veiller à la qualité de vie au travail (QVT), de respecter le droit à la déconnexion, de contrôler le temps de travail, en l’occurrence pour éviter la surcharge de travail et les heures supplémentaires.
Les managers au premier plan
La personne la plus désignée pour remplir ce rôle préventif et garantir le bien-être au travail se révèle sans doute le manager de proximité. C’est pourquoi, il est essentiel de garder des temps d’échanges individuels avec chaque membre de l’équipe, mais aussi des temps collectifs pour préserver le sentiment d’appartenance à l’entreprise, le lien social, et continuer de motiver chaque collaborateur.
Ainsi, pour les DRH, recourir au télétravail implique un accompagnement des managers tout autant que des salariés nomades.
Quels changements pour les collaborateurs ?
Les télétravailleurs doivent veiller à préserver l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle, ce qui n’est pas toujours évident avec le travail à domicile. Il arrive parfois que la vie familiale empiète sur la qualité de son travail, ou, inversement, que la journée de travail déborde sur le temps personnel.
Les risques identifiés
Après deux ans de crise sanitaire et de télétravail obligatoire, les risques professionnels pour les collaborateurs ont largement été identifiés et pris en compte. Parmi eux figurent principalement le risque d’isolement, le mal-être, une charge de travail accrue, une mauvaise hygiène de vie, la sédentarité, un poste de travail inadapté (table de cuisine ou canapé) pouvant engendrer des TMS…
Ces nouvelles organisations de travail ont donc pu engendrer des rps dans des contextes de travail jusque-là inédits.
Comme il revient aux employeurs d’assurer la santé et la sécurité au travail de leurs salariés, ils avaient pour obligation d’inscrire les risques identifiés dans le document unique, qui, mis à jour, prévoit les actions pour améliorer les conditions de travail.
Une évolution de la perception
Cependant, il faut tenir compte de la particularité des périodes où le télétravail était la norme à 100 % du temps. Par manque de préparation et en raison d’un « trop-plein du distanciel », on a assisté progressivement à une diminution de l’engouement des Français pour le télétravail.
Aujourd’hui, avec un nombre de jours de télétravail ajusté, on retrouve un certain équilibre et une volonté, en particulier de la part des cadres, de préserver le travail à distance. Ainsi, 75 % des cadres souhaitent pouvoir travailler à distance au moins un jour par semaine1.
Les impacts positifs du télétravail
Lorsque les conditions favorables sont réunies, les bénéfices du télétravail ne sont plus à démontrer, que ce soit pour l’entreprise ou pour ses salariés.
Pour le salarié
D’une part, le salarié dispose d’une liberté d’organisation, avec des horaires de travail plus flexibles, des temps de déplacement réduits, une meilleure conciliation vie privée-activité professionnelle. En outre, s’il dispose d’un espace de travail dédié lui permettant de mieux se concentrer2, il est capable de fournir un travail de meilleure qualité.
Pour l’entreprise
D’autre part, les bénéfices pour l’entreprise sont incontestables : productivité accrue (surtout pour le télétravail à temps-partiel3), diminution de l’absentéisme, temps de pause réduits, économie de locaux, qualité du travail.
En matière d’attractivité, on constate également une évolution des mentalités, insuffisamment prise en compte par les entreprises. En effet, le télétravail ou le travail nomade apparaît aujourd’hui comme un levier pour la marque employeur, en offrant l’image d’une entreprise flexible et tournée vers l’innovation RH.
Quelques bonnes pratiques pour le télétravail
Réunir des conditions de travail favorables augmente la satisfaction au travail des collaborateurs travaillant à distance.
Définir des process organisationnels
Cela implique de travailler différemment et de mettre en place de nouvelles manières de travailler, en segmentant les tâches pouvant être réalisées à distance et celles qui sont plus efficaces en présentiel. Ce travail collaboratif est à mener en amont.
Trouver le bon rythme
Pour optimiser l’organisation du travail et parvenir au meilleur équilibre, il est important de définir le nombre de jours de télétravail par semaine, et ce, en concertation. En effet, initié sur la base du volontariat, le télétravail est censé améliorer la qualité de vie des collaborateurs, en particulier mieux concilier vie professionnelle et vie personnelle.
Un minimum de cadrage permet de formaliser la frontière entre les deux et d’éviter les débordements, tout en préservant la liberté et l’autonomie des salariés qui travaillent chez eux.
Élaborer un planning
Parmi les bonnes pratiques, il est possible de mettre en place une organisation du travail flexible, sans heure de début ni de fin, mais en définissant des plages horaires précises durant lesquelles le télétravailleur peut être contacté.
Ainsi, managers et salariés connaissent les disponibilités des uns et des autres, ce qui simplifie également l’application du droit à la déconnexion, et le respect de la durée du travail.
Préserver le collectif
Travailler sur l’amélioration de la qualité de vie au travail passe également par la préservation du collectif et des temps d’échanges informels entre les employés nomades et leurs collègues, même à distance. Pourquoi ne pas proposer un temps d’échange avec l’équipe pour démarrer la journée, ou prendre une pause café en visio pour se raconter son week-end ?
Évaluer les impacts
Pour que le télétravail soit pérenne, il est essentiel d’effectuer un suivi régulier, notamment en mesurant le ressenti des salariés et en vérifiant que les modes d’organisation du travail leur conviennent, afin de concilier bien-être et performance au travail.
Le travail hybride
Du télétravail à temps plein au télétravail à temps partiel, les pratiques ont évolué durant ces deux dernières années. En parallèle, de nouveaux modes de travail sont apparus, mettant l’accent sur la flexibilité. Aujourd’hui, avec le flexi-travail, il est à la fois possible de travailler chez soi, de travailler à distance depuis des tiers-lieux ou des espaces de coworking, ainsi que d’alterner avec du temps passé au bureau.
Flex office et desk sharing
Certaines entreprises ont également mis en place le flex office, avec la possibilité pour le salarié de s’installer où il veut selon la nature de ses tâches (salle de réunion, open-space, café, espace de coworking) ; d’autres sont passées au desk sharing, organisation où aucun poste n’est attribué à qui que ce soit. Entre les deux, on trouve les bureaux satellites, disséminés géographiquement, adaptés aux travailleurs nomades.
Cependant, on peut reprocher à ce genre d’organisation la dépersonnalisation de l’environnement travail immédiat, ainsi que, à terme, une certaine déshumanisation au niveau du collectif de travail.
Ainsi, après un enthousiasme débordant en début de crise sanitaire, le soufflé du télétravail est retombé, pour diverses raisons : manque de préparation, passage du tout présentiel au tout distanciel… avant de trouver, peut-être, sa vitesse de croisière.
Idéalement, les nouvelles formes d’organisation du travail devraient être pensées sur un mode hybride, alternant 2 à 3 jours de télétravail par semaine avec du présentiel dans les locaux de l’employeur.
En effet, si les salariés en télétravail apprécient la qualité du travail à distance, après différentes périodes de confinement, le collectif de travail demeure plus que jamais nécessaire pour préserver le sentiment d’appartenance, le lien social et la motivation des collaborateurs.
1 https://www.apec.fr/tendances-emploi-cadre/evolution-de-la-societe-evolution-des-competences-cadres/le- teletravail-un-argument-a-mettre-en-avant-pour-attirer-les-cadres.html#xtor=EPR-15842 https://newsroom.malakoffhumanis.com/actualites/barometre-annuel-teletravail-2021-de-malakoff-humanis-db57- 63a59.html3 https://www.maddyness.com/2021/06/09/crise-teletravail-limites/