Réduction du temps de travail, bien-être au travail, quête de sens… La semaine de 4 jours cristallise les débats au sein des directions RH. Considérée par certains comme un levier puissant pour améliorer la qualité de vie au travail (QVT) et fidéliser les talents, elle est perçue par d’autres comme une utopie difficilement applicable dans les entreprises. Derrière cette opposition, un débat de fond : la semaine de 4 jours peut-elle devenir une stratégie RH durable, ou s’agit-il d’un simple effet de mode ?
Sur le sujet, deux camps s’opposent :
- Les partisans y voient une réponse concrète aux enjeux de rétention, de motivation et d’attractivité dans un contexte de guerre des talents et de difficulté à recruter des profils pénuriques.
- Les sceptiques, qui redoutent une perte de productivité, une surcharge de travail ou une inégalité d’accès selon les métiers ou secteurs.
La semaine de 4 jours : un peu d’histoire
Si le 35h fait office de norme pour la majorité des français aujourd’hui, il n’en a pas toujours été ainsi. C’est à l’industriel américain Henry Ford que l’on doit l’instauration de la semaine de 5 jours, qui s’est popularisée petit à petit. Avant lui, la plupart des salariés français travaillaient en moyenne 2230 heures par an (1950), contre 1560 heures en 2007 (statistiques de l’Insee). Un temps de travail qui a donc presque diminué de moitié !
En 1993, l’économiste Pierre Larrouturou est l’une des premières voix à se faire entendre pour proposer la semaine de 4 jours. Une suggestion qui a mis du temps à se frayer un chemin dans la conscience collective, puisque ce n’est qu’au milieu des années 2000 que les premières expérimentations ont lieu. En Islande d’abord, qui est l**’un des premiers pays à mener des essais à grande échelle de 2015 à 2019**, puis le Royaume-Uni en 2022.
Depuis, les pays européens sont nombreux à se lancer le pari, dans un contexte où la semaine de quatre jours connaît un regain d’intérêt post-Covid avec l’évolution des attentes des salariés. En France, plusieurs entreprises ont d’ailleurs commencé à expérimenter ce format, souvent sans perte de salaire, mais avec une réorganisation des tâches. Une tendance qui s’inscrit plus largement dans les innovations RH de 2025, où flexibilité, qualité de vie et performance redéfinissent les modèles traditionnels du travail.
Des expérimentations concrètes en entreprise
La semaine de 4 jours n’est plus une simple théorie : elle est aujourd’hui testée sur le terrain par un nombre croissant d’entreprises françaises. Ces expérimentations prennent la forme de projets pilotes, d’accords collectifs ou s’inscrivent dans des politiques globales de QVT. Tous les secteurs s’y intéressent : du numérique à l’industrie, en passant par les services, le conseil, et même certaines structures de la fonction publique.
Les modalités d’application, quant à elles, diffèrent selon les contextes. Certaines entreprises choisissent une réduction effective du temps de travail à 32 heures, sans baisse de salaire, misant sur un meilleur équilibre vie pro/vie perso, une motivation accrue et des gains de productivité. D’autres préfèrent maintenir les 35 heures mais les répartir sur 4 jours, avec des journées un peu plus longues, ce qui permet de libérer un jour sans bouleverser les contrats existants.
Il existe aussi des modèles hybrides, plus souples, où l’organisation est laissée à l’appréciation des équipes ou des services, en fonction des contraintes opérationnelles. Ce type d’approche progressive favorise l’adhésion interne et permet de tester plusieurs formats avant une éventuelle généralisation.
Ces initiatives, bien que diverses, témoignent d’un changement de paradigme : le temps de travail devient un outil d’innovation sociale, au service à la fois de la performance et du bien-être des collaborateurs.
Premiers retours : des signaux encourageants
Les premières analyses montrent une tendance claire : baisse du stress, engagement renforcé, réduction de l’absentéisme. Des indicateurs qui attirent l’attention des RH, dans un contexte où recruter et fidéliser devient un enjeu majeur.
Du côté des salariés, l’accueil est largement favorable. La semaine de quatre jours semble répondre à une aspiration profonde à un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Selon une récente étude menée par l’Ifop, 70 % des Français se disent favorables à l’instauration de ce nouveau rythme de travail, que ce soit dans le secteur public ou privé, à raison de 32 heures rémunérées comme 35. Ce chiffre témoigne d’un changement de mentalité progressif, où l’efficacité n’est plus mesurée au nombre d’heures passées au bureau, mais à la qualité et à l’impact du travail accompli.
Les arguments en faveur de la semaine de 4 jours
Fidéliser les talents
Dans un marché du travail tendu, proposer la semaine de 4 jours constitue un atout d’attractivité RH majeur. Certaines entreprises témoignent d’une baisse du turnover et d’un regain d’intérêt des candidats.
Travailler moins… et mieux
Moins de jours ne signifie pas moins d’efficacité ! Au contraire, on observe souvent que les salariés se concentrent sur les tâches essentielles : moins de temps perdu, plus d’efficacité.
Lutter contre le présentéisme
La culture du présentéisme, encore bien ancrée en entreprise, est challengée. La semaine de 4 jours invite à évaluer la performance sur les résultats, pas sur le temps passé au bureau.
Un meilleur équilibre vie pro / vie perso
Un jour de repos en plus, c’est plus de temps pour soi, pour sa famille, pour souffler. Résultat : des collaborateurs plus reposés et plus motivés.
Les limites à prendre en compte
Risque de surcharge sur 4 jours
Si la charge de travail reste la même, les salariés peuvent se retrouver sous pression, avec des journées plus longues et plus intenses.
Inégalités entre métiers
Tous les postes ne peuvent pas bénéficier de cette organisation. Les métiers de terrain ou en contact direct avec les clients peuvent être pénalisés.
Organisation complexe
La mise en place de la semaine de 4 jours demande une révision des plannings, des process, et un accompagnement managérial fort.
La semaine de 4 jours, plus qu’une tendance, est donc une réelle opportunité. Elle oblige les entreprises à repenser leur organisation, leur rapport au temps, et à l’efficacité. Pour les RH, elle peut devenir un levier puissant de QVT, d’engagement et de performance durable pour améliorer l’expérience collaborateur – à condition d’être mise en place avec méthode, écoute et accompagnement.