Comment lutter contre l’absentéisme au travail ?

Partagez cet article

En 2024, les salariés français se sont absentés en moyenne 23,3 jours, soit 11 jours de plus qu’il y a 11 ans (source : baromètre de l’absentéisme et de l’engagement, Ayming). Arrêts maladie, absence de dernière minute, accidents de travail : ces déconvenues pèsent lourdement sur les entreprises, que ce soit d’un point de vue humain ou financier. Comment prévenir ces absences, les anticiper, voire les éviter ? Comment faire de cette contrainte un levier d’amélioration ? Focus dans cet article.

L’absentéisme : thermomètre de la santé d’une entreprise

Nombreux sont ceux qui tentent de sonder les causes de l’absentéisme. Et force est de constater qu’il n’existe pas de réponse simple. Si l’on impute une partie des absences aux problèmes de santé – en particulier les risques psycho-sociaux (RPS) -, d’autres facteurs entrent également en jeu : conditions de travail dégradées, manque de reconnaissance, surcharge chronique, désengagement, ou encore conflits internes.

L’absentéisme devient alors le symptôme visible d’un malaise plus profond au sein de l’organisation. En ce sens, il constitue un véritable baromètre du climat social et managérial. Comprendre ses racines permet non seulement d’agir en amont, mais aussi d’engager une réflexion globale sur la qualité de vie au travail et la culture d’entreprise.

Les causes fréquentes de l’absentéisme

Si les causes profondes de l’absentéisme demeurent en réalité plus complexes qu’elles n’y paraissent, tentons de lister celles qui reviennent le plus, qu’elles soient d’ordre professionnel, personnel, ou les deux.

Les motifs professionnels liés à l’absentéisme

Parmi les raisons les plus citées qui peuvent expliquer l’absence des collaborateurs, on retrouve :

  • Des mauvaises conditions de travail ;
  • Une surcharge mentale ;
  • Un climat social dégradé entre collègues ou avec la hiérarchie ;
  • Les accidents de travail ;
  • Les maladies professionnelles.

Les motifs personnels liés à l’absentéisme

Parfois, ce n’est pas le cadre de travail qui est en cause, mais l’environnement personnel du collaborateur :

  • L’accompagnement d’un proche en perte d’autonomie (le salarié est alors qualifié de “proche aidant”) ;
  • Un mauvais état de santé, qu’il soit physique ou psychologique ;
  • Un environnement familial instable ;
  • Une situation de vie exceptionnelle qui perturbe le salarié (besoin de retrouver un logement après une séparation, la résolution d’une démarche administrative qui requiert du temps et de l’énergie, l’arrivée d’un nouvel enfant…).

Ces troubles dans la vie personnelle d’un salarié peuvent, à terme, impacter ses performances au travail et interférer avec l’exercice de ses fonctions.

Les conséquences de l’absentéisme au travail

L’absentéisme n’est pas seulement une donnée statistique : il a des répercussions profondes sur le fonctionnement et la performance des organisations.

Un impact opérationnel immédiat

Chaque absence perturbe directement l’organisation du travail. Les équipes doivent se réorganiser dans l’urgence, ce qui entraîne une surcharge pour les collègues présents, une baisse de productivité et parfois des tensions supplémentaires. Ces déséquilibres favorisent un cercle vicieux de démotivation et de fatigue, impactant le climat social de l’entreprise.

Un coût économique important

Au-delà du maintien de salaire ou du financement d’intérimaires, l’absentéisme génère des pertes de compétences temporaires, des retards dans les projets et une baisse de qualité du service rendu. Autant de coûts indirects mais lourds pour l’entreprise. Selon une étude réalisée par Moovency, l’absentéisme coûte à une entreprise environ 3 500 euros annuels par salarié.

Une somme loin d’être négligeable, qui ne permet pas de quantifier les effets dominos de l’absence d’un salarié.

Des coûts indirects non quantifiables

En effet, en plus des coûts directs de l’absentéisme (maintien de salaire, recrutement de remplaçants, frais administratifs), il faut prendre en compte les coûts indirects : baisse de productivité, perte d’opportunités commerciales, désorganisation interne, diminution de l’engagement des équipes et augmentation du turnover. En somme, l’absentéisme ne se résume pas à une ligne comptable : il fragilise la performance globale de l’entreprise, tant sur le plan économique qu’humain.

Absentéisme au travail : que dit la loi ?

En France, une absence au travail n’est jamais anodine : elle doit être justifiée et répondre à un cadre légal précis. Plusieurs situations sont prévues par le Code du travail et la Sécurité sociale :

  • L’arrêt maladie : sur prescription médicale, le salarié doit informer son employeur et transmettre son arrêt dans un délai de 48 heures. L’absence est alors reconnue et indemnisée, en partie par la Sécurité sociale et, selon les cas, complétée par l’employeur.
  • L’accident du travail ou la maladie professionnelle : ces situations donnent droit à une protection particulière et à une indemnisation renforcée. Le salarié est également protégé contre le licenciement lié à son état de santé.
  • Les congés pour événements familiaux (mariage, naissance, décès…) : la loi fixe des durées minimales d’absence, souvent améliorées par les conventions collectives.
  • Les congés liés à la parentalité (maternité, paternité, adoption, congé parental, congé de proche aidant) : autant de dispositifs permettant de s’absenter en toute légitimité.

À l’inverse, une absence non justifiée ou répétée peut être considérée comme une faute disciplinaire, pouvant aller jusqu’au licenciement.

Mais la loi ne s’arrête pas aux droits du salarié. L’employeur a lui aussi des obligations : il doit garantir la santé et la sécurité de ses équipes. Autrement dit, un niveau élevé d’absentéisme peut révéler des manquements dans l’organisation ou la prévention des risques, et engager sa responsabilité.

RH : quelques pistes pour réduire l’absentéisme au travail

Selon le baromètre Ayming cité précédemment, près de 49 % des professionnels RH estiment que leur taux d’absentéisme est élevé. Le sujet est même devenu la 2ème plus grande difficulté rencontrée par la fonction RH, juste derrière le recrutement et la fidélisation. Pourtant, plus de 55 % d’entre eux considèrent ne pas disposer des bons indicateurs pour analyser et anticiper efficacement le phénomène. Alors, comment agir concrètement ? Voici quelques pistes.

1. Calculer le taux d’absentéisme de son entreprise

Avant de pouvoir réduire l’absentéisme, il est nécessaire d’en avoir une vision claire et objective. Trop souvent, les entreprises se contentent d’une impression vague (“nous avons beaucoup d’absences”), sans données précises. Or, disposer d’indicateurs fiables permet non seulement de mesurer l’ampleur du phénomène, mais aussi de convaincre la direction de mettre en place des actions concrètes.

Le taux d’absentéisme se calcule avec la formule suivante :

Taux d’absentéisme = (Nombre de jours d’absence / Nombre de jours théoriquement travaillés) ×100

Ce calcul peut être affiné :

  • En différenciant les types d’absence (maladie, accident du travail, congés exceptionnels…) ;
  • En observant les écarts entre services, métiers ou sites ;
  • En comparant vos chiffres aux moyennes sectorielles disponibles (certains observatoires publient régulièrement des benchmarks).

Un tel diagnostic sert de point de départ pour comprendre les causes profondes : certaines équipes peuvent présenter un taux particulièrement élevé, ce qui peut révéler un problème managérial, organisationnel ou une surcharge de travail.

Enfin, le suivi régulier dans le temps (mensuel, trimestriel ou annuel) permet de voir si les mesures mises en place portent leurs fruits.

2. Suivre les absences de manière régulière

Mesurer le taux d’absentéisme est une première étape, mais il est tout aussi essentiel de suivre les absences dans le temps afin d’identifier des tendances et de prévenir les situations à risque. Trop souvent, les entreprises se contentent de constater l’absence sans en analyser les causes ou les récurrences.

Un suivi rigoureux permet par exemple de repérer :

  • Des absences de courte durée mais répétées (souvent révélatrices de fatigue ou de désengagement) ;
  • Des arrêts longs nécessitant un accompagnement particulier au retour du salarié ;
  • Des pics saisonniers (par exemple en hiver ou pendant certaines périodes de surcharge d’activité) ;
  • Des écarts significatifs entre services, métiers ou sites.

Pour cela, les entreprises peuvent mettre en place un tableau de bord RH ou utiliser un logiciel de gestion des absences, facilitant la centralisation et l’analyse des données. Ces outils permettent de croiser plusieurs indicateurs (type d’absence, fréquence, durée, profil du salarié, impact sur l’activité) et de générer des alertes en cas de situations atypiques.

Au-delà du simple suivi administratif, l’enjeu est de transformer ces données en leviers de pilotage : ajuster les plannings, renforcer la prévention des risques psychosociaux, cibler les actions de formation managériale, ou encore anticiper un besoin de recrutement temporaire.

3. Déployer une politique QVT forte

La qualité de vie au travail (QVT) est un levier incontournable pour prévenir l’absentéisme. En améliorant le bien-être des collaborateurs, l’entreprise agit directement sur la motivation, l’engagement et la fidélisation. Il ne s’agit pas seulement d’ajouter des avantages superficiels (comme une salle de sport ou des afterworks), mais de mettre en place une politique globale et cohérente qui réponde aux attentes réelles des salariés.

Concrètement, une politique QVT efficace repose sur plusieurs piliers :

  • Prévenir les risques psychosociaux (RPS) : surcharge de travail, isolement en télétravail, conflits internes ou manque de reconnaissance doivent être identifiés et traités rapidement ;
  • Améliorer l’ergonomie des postes : limiter les troubles musculosquelettiques (TMS) par des équipements adaptés, des formations aux bonnes postures ou l’aménagement des espaces ;
  • Favoriser l’équilibre vie professionnelle / vie personnelle : horaires flexibles, droit à la déconnexion, adaptation pour les proches aidants et jeunes parents ;
  • Renforcer le management bienveillant : former les managers à l’écoute active, au feedback constructif et à la gestion des équipes en période de tension.

Une telle politique n’est pas figée : elle nécessite un dialogue social constant et une évaluation régulière (enquêtes internes, entretiens annuels, baromètres sociaux) pour mesurer l’impact des actions et ajuster les priorités.

4. Identifier les fragilités invisibles

Toutes les causes d’absentéisme ne sont pas visibles à l’œil nu. Derrière une succession d’absences ponctuelles peuvent se cacher des fragilités personnelles ou professionnelles qu’un simple suivi administratif ne permet pas de détecter. Stress chronique, isolement, surcharge mentale, problèmes de santé non déclarés ou difficultés personnelles (familiales, financières, psychologiques) font partie de ces signaux faibles qui, s’ils ne sont pas identifiés, peuvent mener à des absences prolongées.

Pour les détecter, plusieurs leviers peuvent être mobilisés :

  • Des enquêtes internes régulières (baromètre social, questionnaires anonymes) pour recueillir le ressenti global des collaborateurs ;
  • Des entretiens individuels (formels ou informels) permettant aux managers et RH de repérer les signaux d’alerte ;
  • Un climat de confiance favorisant la parole : un salarié en difficulté ne s’exprimera que s’il se sent écouté et non jugé ;
  • L’appui de la médecine du travail ou de partenaires spécialisés, qui peuvent accompagner l’entreprise dans la détection et la prévention des situations sensibles.

Identifier ces fragilités n’a pas pour but de “fliquer” les salariés, mais bien de prévenir l’absentéisme avant qu’il ne s’installe.

5. Accompagner le retour d’un salarié absent

Le retour d’un collaborateur après une absence, notamment lorsqu’elle a été longue, ne doit pas être considéré comme une simple formalité administrative. Sans accompagnement, il existe un risque de désengagement, d’isolement ou même de rechute.

Pour éviter cela, plusieurs bonnes pratiques peuvent être mises en place :

  • Préparer l’accueil en amont : informer l’équipe du retour du collaborateur, organiser la reprise de ses missions progressivement ;
  • Proposer un entretien de reprise avec le manager et/ou les RH afin de comprendre les besoins du salarié, ajuster ses priorités et identifier d’éventuelles contraintes médicales ou personnelles ;
  • Aménager temporairement le poste ou la charge de travail, si nécessaire, pour faciliter la réadaptation ;
  • Assurer un suivi régulier dans les semaines qui suivent afin de vérifier que le collaborateur retrouve ses repères, son équilibre et sa motivation.

Un retour bien accompagné envoie également un signal positif au reste des équipes : il témoigne d’une culture d’entreprise où la bienveillance et la confiance priment, renforçant ainsi l’engagement global et la fidélité des collaborateurs.

6. Adapter les modes de travail

L’évolution des attentes des salariés impose aux entreprises de revoir leurs organisations. La flexibilité est désormais perçue comme un levier essentiel de motivation, d’équilibre de vie et donc de réduction de l’absentéisme.

Plusieurs pistes peuvent être explorées :

  • Télétravail et travail hybride : pour limiter les trajets, offrir plus d’autonomie et améliorer la concentration ;
  • Horaires aménagés : utiles pour les jeunes parents, les proches aidants ou encore les collaborateurs ayant un suivi médical régulier ;
  • Semaine de 4 jours (sans perte de salaire ou avec réorganisation du temps de travail) : testée avec succès par certaines entreprises, elle contribue à réduire la fatigue et à renforcer la productivité ;
  • Aménagements individualisés : temps partiel choisi, modulation des horaires, périodes de transition pour accompagner un salarié après un événement de vie (naissance, séparation, maladie).

Ces solutions ne doivent pas être vues comme des contraintes organisationnelles, mais comme un investissement dans l’engagement et la fidélité des collaborateurs. En proposant plus de souplesse, l’entreprise envoie un signal fort : elle fait confiance à ses équipes et reconnaît que la performance durable se construit aussi grâce à un meilleur équilibre vie professionnelle / vie personnelle.

7. Améliorer sa politique RH dans son ensemble

Une politique RH bien pensée ne se limite pas à la gestion administrative : elle doit être un levier d’engagement et de fidélisation. En effet, une grande partie de l’absentéisme trouve ses racines dans un manque de reconnaissance, un sentiment de stagnation ou une absence de perspectives.

Plusieurs axes d’amélioration sont possibles :

  • Valoriser la reconnaissance : instaurer une culture où les réussites, petites ou grandes, sont reconnues par les managers et par l’entreprise.
  • Renforcer la mobilité interne et la formation : permettre aux salariés d’évoluer, de développer de nouvelles compétences et d’éviter la lassitude ou le désengagement.
  • Travailler sur la transparence et la communication RH : donner de la visibilité sur les opportunités, les évolutions de carrière et les critères de progression.
  • Soigner l’onboarding et l’intégration : un salarié bien accueilli et accompagné dès son arrivée est plus engagé et moins sujet à l’absentéisme précoce.
  • Soutenir le management de proximité : former les managers à la gestion humaine des équipes, afin qu’ils deviennent de véritables relais d’engagement et non de stress supplémentaire.

En résumé, une politique RH proactive et centrée sur l’humain contribue à renforcer la motivation des collaborateurs, à réduire le turnover… et donc à limiter l’absentéisme sur le long terme.

8. Communiquer et écouter

La communication interne joue un rôle central dans la prévention de l’absentéisme. Trop souvent, les salariés s’absentent parce qu’ils se sentent invisibles, incompris ou non entendus. Or, instaurer un dialogue régulier et authentique permet d’anticiper bien des situations de rupture.

Concrètement, cela passe par :

  • Des feedbacks réguliers entre managers et collaborateurs, pour ajuster les objectifs et reconnaître les efforts ;
  • Des enquêtes de satisfaction ou baromètres sociaux, qui donnent la parole aux salariés et permettent d’identifier les attentes ou les frustrations ;
  • Des espaces d’expression formels et informels (réunions d’équipe, boîtes à idées, temps d’échange dédiés) ;
  • Une communication transparente sur les décisions de l’entreprise, afin de renforcer la confiance et le sentiment d’appartenance.

Mais communiquer ne suffit pas : encore faut-il écouter réellement. Un salarié qui voit ses retours pris en compte se sent reconnu, ce qui favorise l’engagement. À l’inverse, un manque d’écoute alimente la frustration, le désengagement et donc l’absentéisme.

A propos de l’auteur/autrice

Ces articles pourraient également vous intéresser