Après un retard accumulé depuis la loi du 5 mars 2014 dans la mise en œuvre des entretiens professionnels, l’état des lieux qui devait avoir lieu en 2020 a été reporté plusieurs fois, en raison de la crise sanitaire. Pourtant, non seulement l’entretien professionnel est le seul entretien obligatoire, mais il est également essentiel pour détecter les besoins en compétences des collaborateurs et redonne ses lettres de noblesse à la formation. Il doit de surcroît être considéré comme un véritable outil de management des ressources humaines. Zoom sur ce dispositif.
Parfois confondu avec l’entretien annuel ou encore l’entretien d’évaluation qui sont facultatifs, l’entretien professionnel répond à des règles spécifiques et est obligatoire depuis la réforme de la formation professionnelle de 2014. Ainsi, ce n’est pas le moment pour le collaborateur de parler de négociation salariale, ni pour le manager d’évaluer les objectifs de CA. Pour ce faire, il est nécessaire d’organiser un entretien distinct. S’approprier le cadre légal est donc essentiel.
3 entretiens et un état des lieux tous les 6 ans
Un entretien tous les deux ans
La loi 2014-288 du 5 mars relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale instaure l’obligation d’un entretien professionnel tous les deux ans au minimum (à partir de la date d’entrée dans l’entreprise). Cependant, depuis le 1er janvier 2019, un accord collectif, un accord de branche ou un accord d’entreprise peut modifier la périodicité prévue dans le code du travail (article L. 6315-1).
À l’issue des 6 ans (par référence à l’ancienneté des salariés et à la date du contrat de travail), l’entreprise doit faire unétat des lieux afin de faire le bilan sur le parcours professionnel du salarié. Il n’est donc pas possible de regrouper ces entretiens sur une même période, ce qui implique une rigueur dans leur suivi.
Pensez aux absences de longue durée !
En outre, l’entreprise doit systématiquement le proposer à chaque salarié qui reprend son activité après une période d’interruption due à :
- un congé maternité, un congé parental à temps plein ou à temps partiel,
- un congé d’adoption, un congé de proche aidant, un congé sabbatique,
- une période de mobilité volontaire sécurisée, un mandat syndical
- un arrêt-maladie de plus de 6 mois.
De nombreux reports avant la sanction
La date limite de l’entretien d’état des lieux, prévue initialement en mars 2020, a été repoussée plusieurs fois. Puis, en raison de la crise sanitaire, la date a été reportée au 30 juin 2021, avec une tolérance instaurée par la loi relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire. Pour les entretiens d’état des lieux qui n’ont pas pu avoir lieu avant le 30 juin 2021, les entreprises d’au moins 50 salariés ont jusqu’au 30 septembre 2021 pour effectuer les entretiens sans risque de sanction.
Un formalisme à respecter
Mettre en place des entretiens professionnels commence par l’établissement d’un planning et l’envoi d’une convocation à chaque collaborateur concerné sur la période. L’entretien en lui-même se déroule selon plusieurs étapes ou séries de questions et débouche sur la rédaction d’un compte rendu d’entretien dont une copie est remise au salarié. Ce compte rendu est également transmis au service ressources humaines pour exploitation et prise en compte des besoins en formation dans le plan de développement des compétences. Si la loi ne le précise pas, l’entretien professionnel est habituellement mené par le responsable hiérarchique direct, qui connaît le mieux le collaborateur.
Quels points clés aborder lors de l’entretien ?
Le contenu de l’entretien est très cadré et doit concerner principalement le parcours professionnel du salarié.
Parmi les thèmes à aborder, figurent en particulier :
- le poste de travail du salarié (tâches, missions, évolution…),
- ses compétences, les difficultés rencontrées et ses besoins de formation,
- ses souhaits d’évolution professionnelle, sa demande de mobilité volontaire,
- les formations suivies, les éléments de certification obtenus (diplôme, titre, Certificat de Qualification Professionnelle (CQP)…),
- le projet professionnel ou le projet de formation envisagé,
- les actions de formation, de bilan de compétences ou de VAE à mettre en place
Les informations obligatoires
Le responsable hiérarchique doit informer le salarié de sa possibilité de bénéficier d’un conseil en évolution professionnelle (CEP). Il doit également pouvoir renseigner le collaborateur sur ses droits au CPF, qui, depuis la loi avenir professionnel du 5 septembre 2018, ont été monétisés en euros, et des possibilités d’abondement. De nombreuses formations aux techniques d’entretien existent, ainsi que des grilles ou une trame d’entretien, pour ne rien omettre. En pratiquant l’écoute active et le questionnement, la personne chargée de la conduite de l’entretien est certaine de recueillir les informations nécessaires.
Quid de l’état des lieux de la 6e année ?
Tous les 6 ans, en général à l’issue du 3e entretien professionnel de la période écoulée, un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié doit être réalisé. Il permet de vérifier que le salarié a bien eu droit à au moins deux des trois actions suivantes et donc qu’il a :
- suivi au moins une action de formation non obligatoire
- acquis des éléments de certification par la formation ou par une validation des acquis de l’expérience (VAE)s
- bénéficié d’une progression salariale ou professionnelle.
Quels risques en cas de manquement ?
La loi sur la formation professionnelle précise les sanctions pour les entreprises de 50 salariés et plus qui ne respecteraient pas leurs obligations de formation et d’entretien. Celles-ci devront abonder le compte personnel de formation (CPF) d’un montant de 3 000 €, pour chaque salarié concerné. Une sanction qui peut rapidement coûter cher !
Un entretien gagnant-gagnant !
Souvent considéré comme une contrainte par les managers absorbés par le quotidien, l’entretien professionnel s’avère pourtant un excellent outil de management et permet de connaître les besoins de chaque salarié notamment en termes de perspectives d’évolution. C’est pourquoi, il est fortement recommandé que le supérieur hiérarchique direct soit chargé de la conduite des entretiens, même si, en fonction de la taille de l’entreprise, le DRH ou le chef d’entreprise peut également le faire.
Les objectifs pour le salarié
– Exprimer ses besoins et son ressenti
L’entretien professionnel est l’occasion pour le collaborateur de prendre le temps de s’exprimer dans un cadre formalisé, que ne permet pas toujours le quotidien. C’est le moment de poser des questions, de clarifier certains objectifs, et de faire le point avec son responsable hiérarchique. Ainsi, pendant l’entretien en face-à-face, le collaborateur peut évoquer son souhait d’évolution professionnelle, son projet, en mettant en avant ses points forts.
De même, il peut formuler ses besoins de formation, ou encore les difficultés rencontrées… Il peut éventuellement faire part de sa volonté d’avancement en se positionnant sur un poste à pourvoir dans l’entreprise. Un compte rendu vient formaliser chaque entretien professionnel, à l’issue duquel un plan d’action peut être élaboré en concertation avec le collaborateur.
– Être accompagné dans son évolution professionnelle
Par ailleurs, ce type d’entretien doit permettre au collaborateur de disposer des informations nécessaires à son évolution professionnelle : Quels critères pour une validation des acquis de l’expérience (VAE) ? Quelle formation choisir et comment la trouver ? Comment utiliser son compte personnel de formation (CPF) ? Etc. À moyen terme, si le suivi des entretiens est bien mené, le responsable hiérarchique doit vérifier l’actualisation des besoins de son équipe en termes de qualifications.
Chaque salarié a donc l’opportunité d’acquérir des connaissances, des compétences professionnelles supplémentaires et d’accroître à moyen terme sa valeur professionnelle. Un excellent atout pour l’expérience collaborateur !
Les avantages pour l’entreprise et les DRH
L’entretien professionnel est une obligation légale qui permet d’optimiser la gestion des ressources humaines, à plus d’un titre. Ainsi, connaître les projets professionnels et les motivations des collaborateurs permet d’anticiper à la fois la gestion des carrières, la gestion de la formation et des compétences. Les avantages sont donc nombreux :
- Une gestion qualitative des ressources humaines
L’entretien professionnel facilite le dialogue avec la hiérarchie et optimise la communication interne, tout en responsabilisant les managers. Il permet d’appréhender le ressenti des collaborateurs et d’avoir une approche qualitative des ressources humaines. En étant écoutés et pris en compte, les collaborateurs se sentent davantage reconnus, avec pour conséquence un renforcement de l’engagement et la fidélisation.
- Une GPEC plus efficiente
Connaître les souhaits d’évolution professionnelle des salariés permet d’enrichir la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), d’anticiper les mouvements d’effectifs, avec une meilleure gestion des carrières et de la mobilité interne.
- Un plan de formation réaliste et concerté
L’exploitation par le service rh des comptes rendus d’entretiens facilite l’élaboration du plan de développement des compétences (ex plan de formation). Ainsi, le « plan de formation » s’ajuste davantage aux besoins des collaborateurs. De plus, les projets de formation peuvent être coconstruits dans l’intérêt à la fois du collaborateur et des besoins de l’entreprise, qui peut abonder le compte personnel de formation du salarié.
- Une expertise accrue des collaborateurs
D’une part, l’entretien professionnel permet à l’entreprise de remplir ses obligations légales en veillant au maintien de la capacité de ses salariés à occuper leur emploi, soit leur employabilité. D’autre part, c’est un excellent outil pour réaliser une cartographie des compétences des collaborateurs. De fait, ce dispositif est un levier à activer pour développer l’expertise des salariés et, à terme, la productivité de l’entreprise.
Par ailleurs, il est impératif de faire un retour des entretiens au salarié, afin de lui montrer a minima que ses demandes sont prises en compte. En cas de refus, le service ressources humaines doit aussi lui en expliquer les raisons. Il s’agit de considérer ce type d’entretien comme une véritable opportunité d’optimiser la communication rh : entre les DRH et les managers, entre les salariés et le service des ressources humaines.
Ainsi, l’entretien professionnel place au premier plan la montée en compétences des collaborateurs, notamment via la formation. L’état des lieux de la 6e année permet également de vérifier que l’entreprise a rempli ses obligations et tenu sa promesse. Il est donc essentiel que les DRH et les managers s’emparent de ce dispositif car il fait partie des clés d’une politique RH réussie.